beandeau>
Durabilité environnementale de l'esport : estimation de l'empreinte carbone de la Gamers Assembly
Nicolas Besombes  1@  
1 : Institut des Sciences du Sport-Santé de Paris
Université Paris Cité

Si des travaux universitaires ont déjà souligné l'impact négatif des infrastructures numériques et des jeux vidéo (Morley, Widdicks & Hazas, 2018), on sait peu de choses sur l'impact du secteur de l'esport sur l'environnement (Nyström et al., 2022 ; Ross & Fisackerly, 2023).

Objectif

Pour poser les premiers jalons d'un esport plus durable, nous avons mené une étude exploratoire pour évaluer l'empreinte carbone du plus grand rassemblement esportif amateur français : la Gamers Assembly de Poitiers (1349 joueurs, 442 bénévoles et 14260 visiteurs en 2022). Compte tenu de la nouveauté de l'expérience, nous avons limité l'analyse aux joueurs, au personnel et aux bénévoles (soit 1944 personnes), et estimé l'empreinte carbone de l'événement sur le seul thème de la mobilité (i.e., les déplacements et le transport).

Méthode

Pour collecter les données, un questionnaire de 18 questions a été distribué à la population cible par trois canaux : (i) QR Code posté sur Twitter quelques jours avant l'événement puis rappel 3 jours après ; (ii) affichage du QR Code dans les salles de tournois pendant les 3 jours l'événement ; (iii) lien URL du questionnaire envoyé 10 jours après l'événement dans la newsletter de l'organisateur.

Les différentes questions portaient sur le moyen de transport utilisé pour se rendre à l'événement, la distance entre le lieu d'hébergement et le lieu des tournois, le moyen de transport utilisé pour se déplacer pendant les 3 jours, le nombre de personnes impliquées dans le mode de déplacement et les caractéristiques sociodémographiques des répondants.

Résultats

328 questionnaires ont été recueillis, représentant 920 personnes (sur 1944). L'empreinte carbone totale estimée de l'événement est de 72 tonnes : 66 tonnes d'équivalent CO2 provenant des déplacements des participants vers et depuis l'événement (« déplacements longue distance »), et 6 tonnes d'équivalent CO2 provenant de la « mobilité locale », c'est-à-dire des déplacements vers et depuis leur hébergement vers le lieu de l'événement pendant leur séjour.

Sur la base des données de l'échantillon, plus de 55 % des participants ont parcouru plus de 500 km aller-retour, générant 85 % du carbone émis pendant le voyage pour se rendre à l'événement. La voiture est le moyen de transport le plus utilisé. Le nombre moyen de personnes par véhicule est de 2,5, soit un « taux de remplissage » de 50 %, si l'on considère que chaque voiture peut transporter au maximum 4 passagers et 1 conducteur, tandis que 75 % des participants se sont déplacés par un mode de mobilité individuel, parcourant 74 % de la distance totale et générant 85 % des émissions.

87 % des répondants ont séjourné plusieurs jours à Poitiers et dans ses environs. La durée moyenne du séjour était de 3,5 jours. 90 % des personnes ayant séjourné plusieurs jours ont utilisé des modes de transport émetteurs de carbone (plus de 65 % avaient un hébergement situé dans un rayon de 8 km, soit 10 minutes de trajet). Près de 80 % des émissions de CO2 sont liées aux déplacements dans ce rayon de 8 km. Seuls 6 % des personnes ayant utilisé des modes de transport émetteurs de carbone ont utilisé les transports en commun.

Implications

À partir de ces premiers résultats, plusieurs recommandations peuvent être proposées : privilégier les transports en commun (train pour les longs trajets et covoiturage pour les trajets courts), proposer des solutions sur place pour la location de matériel informatique, proposer des transports en commun adaptés aux besoins spécifiques des participants et du personnel pendant l'événement (bus et navette), et encourager la mobilité douce (vélo et scooter) à faible empreinte carbone.

Nous recommandons de répéter cet exercice afin (1) de sensibiliser les parties prenantes et les communautés de l'esport, (2) d'augmenter le niveau de confiance dans les estimations, (3) d'élargir la portée de l'étude, (4) de mesurer l'impact des actions déployées.

Références

Morley, J., Widdicks, K., & Hazas, M. (2018). Digitalisation, energy and data demand: The impact of Internet traffic on overall and peak electricity consumption. Energy Research & Social Science, 38, 128-137.

Nyström, A. et al. (2022). Current issues of sustainability in esports. International Journal of Esports, 1(1).

Ross, W. J., & Fisackerly, W. (2023). Do we need esports ecology? Comparisons of environmental impacts between traditional sport and esports. Journal of Electronic Gaming and Esports1(1).


Chargement... Chargement...