La créativité est aujourd'hui considérée comme un outil désirable, notamment car elle pourrait constituer un levier permettant par exemple, de surmonter le changement climatique, les difficultés sanitaires ou de développer la réussite économique (Shlien et al, 2008 ; Sawyer, 2012 ; Bonnardel et al. 2023). Par conséquent, la créativité n'est pas seulement considérée comme une capacité artistique, elle s'est étendue à une grande variété de domaines tels que les sciences sociales, les mathématiques, l'économie et l'Education Physique (EP), (Oboeuf et al. 2024). 

La créativité est identifiée comme un moyen pour les enfants d'exprimer leurs émotions, de développer leur singularité et leur liberté, d'explorer leur environnement, tout en étant un outil pratique pour s'adapter à de nouvelles situations (Bonnardel et al. 2023 ; Waterstone et Chomsky, 2021). Par conséquent, l'identification et le développement de la créativité motrice semblent être des pistes pertinentes pour favoriser la santé des adolescents, mais aussi, pour leur permettre d'explorer et de pratiquer des activités physiques dans une perspective pérenne et lucide. Cet enjeu semble d'autant plus pertinent que les comportements sédentaires augmentent chez les jeunes Français. Dans le domaine de l'EP et du sport, la créativité est considérée comme la capacité à réaliser un travail nouveau et original dans un contexte significatif (Runco et Jaeger, 2012). Dans cette perspective, il apparaît que le contexte où l'action est réalisée est un facteur important pour développer la créativité (Santos et Memmert, 2016). Par exemple, ce qui est considéré comme nouveau et original en danse sera propre à l'activité et à ses contraintes. Les tâches à réaliser et le contexte ne demanderont pas aux pratiquants, à priori, les mêmes ressources motrices et cognitives qu'en football ou au tennis. La capacité créative vise donc une adaptabilité des comportements chez le pratiquant en fonction des spécificités de son environnement. 

Pour observer cette variable, des études ont tenté d'évaluer et d'étudier la créativité dans diverses activités (Engdahl et al, 2023 ; Palmiero et al, 2019), mais il semble que les théories de la créativité motrice contournent les environnements qui impliquent des variables dynamiques et instables comme dans les pratiques collectives. (Kimmel et al, 2018). En effet, les contraintes dynamiques telles que les variables sociales ont tendance à être négligées par les études, qui sont plutôt centrées sur une activité spécifique, dans des situations décontextualisées et individuelles (Lee et al 2023). Pour nous, il s'agit d'une lacune importante dans l'étude de la créativité, d'autant plus que les théories de la créativité les plus récentes, comme l'approche multivariée ou l'approche incarnée, insistent sur l'importance des environnements instables, imprévisibles et complexes pour comprendre la créativité motrice (Amabile, 1996 ; Bonnardel et al, 2023 ; Versace, et al, 2018).
De surcroît, si certaines études démontrent que le potentiel créatif individuel n'est pas prédictif de la créativité collective ou sociale (Bissola et Imperatori, 2011), l'étude de la transversalité de la créativité entre domaines est un angle de recherche carencé. Les liens entre la pensée créative, (la capacité individuelle à produire une réponse verbale ou graphique créative), la créativité psychomotrice, (la capacité individuelle à produire des réponses motrices dans une tâche motrice stable sans dynamique sociale), et la créativité motrice dans des environnements écologiques, (la capacité à produire des réponses motrices créatives dans un environnement social et changeant), (Parlebas, 1999) ont fait l'objet de peu de préoccupation (Moraru et al, 2016), d'où nos travaux.

Nous présenterons des moyens empiriques pour évaluer la créativité motrice, notamment en nous basant sur la méthodologie de l'Evaluation du Potentiel Créatif (EPOC) (Lubart, 2011) ainsi que sur la praxéologie motrice (Parlebas, 1999) pour évaluer la créativité in situ. 

Nous proposerons également de présenter certains résultats obtenus dans nos travaux qui sont toujours en cours, notamment en ce qui concerne les liens et corrélations existantes (ou non) entre différents domaines créatifs, mais aussi, le rapport aigu entre le sentiment du "moi" créatif et la capacité créative effective.