Résumé

Le sport est vraisemblablement le lieu où la bi-catégorisation sexuée et donc la matérialité des sexes s'expriment avec une force particulière (Bohuon, 2008). Les stéréotypes sexués y sont particulièrement présents et les pratiques de fitness au sens large et de musculation de manière spécifique n'échappent pas à leur (re)production. Discuter du corps en mouvement revient à poser la question des frontières arbitraires, plus ou moins fixes, qui participent à la structuration des normes de genre, s'inscrivant dans des rapports sociaux de sexe asymétriques. 

A ce titre, les professionnel·le·s du fitness sont porteurs d'une culture spécifique et incarnent des modèles de genre plutôt novateurs. En effet, articulant pratiques et techniques corporelles « féminines » et « masculines » ces dernie·ère·s incarnent des masculinités (Galy, Mennesson, 2022) et féminités plurielles (Galy, 2025) qui permettent de penser la fabrique du genre de manière dynamique et relationnelle.

L'hybridation de ces configurations de pratiques de genre (Connell, 2014) permet de penser le rôle et l'influence des professionnel·le·s du fitness en tant que modèle de genre dans le champ du fitness (Bourdieu, 1992). La circulation de ces modèles de genre du global au local met en lumière les appropriations concrètes des normes de genre tant dans les modalités d'exercice du métier que dans la production de féminités et masculinités multiples et les stratégies d'adhésion et/ou de résistances aux normes de genre dominantes par les agent·e·s du sous champ.

En partant des représentations symboliques, il s'agira de comprendre comment se structurent les inégalités de genre au prisme des modalités de pratiques différenciées, de la sexuation des espaces de pratiques et comportements de genre stéréotypés. Si d'un côté, les professionnel·le·s mettent à distance certaines caractéristiques saillantes du « masculin » et du « féminin » de la culture fitness dominante, d'un autre côté il·elle·s renforcent des inégalités de genre.

Cette présentation aura donc pour objectif de mettre au jour ces effets de genre afin de développer une réflexion globale visant à favoriser l'accès et la pratique des musculations à tou·te·s de manière moins sexuée, moins stéréotypée et plus inclusive notamment chez les jeunes.

Méthodologie

Les résultats et discussion proposé·e·s ici sont issu·e·s d'une étude de terrain menée sur un temps long auprès des professionnel·le·s du fitness au niveau micro social - à l'échelle d'un département - et macro social, au Salon Mondial du Body Fitness (Paris). Les données ont été recueillies lors d'une enquête ethnographique au sein de salles de fitness (17) de différents types -fitness traditionnel, hard et soft- pendant 6 ans, d'une série de 26 entretiens semi-directifs longs (2 heures 20 en moyenne) réalisés auprès des professionnel·le·s du fitness (16 hommes et 10 femmes) et d'une participation observante de 3 ans dans diverses structures marchandes de fitness.

Bibliographie

Bohuon, A. (2008) « Sport et bi-catégorisation par sexe : test de féminité et ambiguïtés du discours médical » - Nouvelles Questions Féministes, 27(1), (80-91).

Bourdieu P. (1991) « Le champ littéraire » - Actes de la recherche en sciences sociales, 89(1), (3-46).

Connell R. (2014) Masculinités. Enjeux sociaux de l'hégémonie. Paris : Amsterdam Editions.

Galy M.F., Mennesson C. (2022). Des hommes et des corps. Masculinités complices : le cas des professionnels du fitness, SociologieS, en ligne. 

 Galy M.F (2025) « Masculinités et féminités multiples les formes « localisées » des modèles de genre chez les professionnel·les du fitness », M. Quidu, B. Favier-Ambrosini et M. Delalandre À la conquête de la forme. Regards sociologiques sur le marché du fitness (p. 219-236). Presses universitaires de Grenoble.