L'activité physique joue un rôle clé dans la santé reproductive des femmes, avec des effets qui peuvent être bénéfiques ou délétères, selon les conditions dans lesquelles elle est pratiquée. Son impact dépend notamment de l'équilibre entre dépense énergétique, apport nutritionnel, composition corporelle et statut hormonal.
Un élément souvent négligé mais central dans cette dynamique est le tissu adipeux, qui n'est pas un simple réservoir d'énergie : il s'agit d'un véritable organe endocrinien. Le tissu adipeux sécrète plusieurs hormones et adipokines, comme la leptine, qui joue un rôle crucial dans la régulation de l'axe gonadotrope féminin. Un pourcentage de masse grasse trop faible, comme on l'observe chez certaines sportives, peut entraîner une chute des niveaux de leptine, perturbant la sécrétion de GnRH, puis de LH et FSH, nécessaires à l'ovulation. Ce mécanisme est l'un des facteurs expliquant l'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle, au cœur de la triade de la sportive, qui associe faible disponibilité énergétique, aménorrhée et et altération de la santé osseuse (De Souza et al., 2014). Ce tableau peut s'inscrire dans un spectre plus large, connu sous le nom de syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport), qui intègre des conséquences plus vastes : immunité affaiblie, perturbations métaboliques, troubles psychologiques, diminution de la densité osseuse, et bien sûr, troubles de la fertilité (Mountjoy et al., 2014). Contrairement aux idées reçues, le RED-S s'observe à tous les niveaux de pratique sportive et peut avoir des effets durables si l'équilibre énergétique n'est pas restauré.
À l'opposé, un excès de tissu adipeux, comme c'est le cas dans l'obésité, peut également nuire à la fertilité féminine. L'hyperinsulinémie fréquente chez les femmes obèses stimule la production ovarienne d'androgènes et perturbe l'ovulation. De plus, le tissu adipeux produit des œstrogènes via l'aromatisation périphérique, ce qui peut créer un déséquilibre hormonal défavorable à l'ovulation régulière. Toutefois, une activité physique régulière, même sans perte de poids importante, peut améliorer la sensibilité à l'insuline, restaurer l'ovulation et augmenter les chances de conception (Sustarsic et al., 2023). Dans le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), pathologie souvent associée au surpoids, à la résistance à l'insuline et à une hyperandrogénie, l'activité physique représente un levier thérapeutique majeur. Elle permet de réduire les concentrations sanguines en androgènes, d'améliorer la régularité des cycles menstruels et, dans de nombreux cas, de favoriser une ovulation spontanée (Mena et al., 2019)
Il apparaît donc clairement que ni un excès ni un déficit de tissu adipeux ne sont favorables à la fertilité. L'objectif est de maintenir un niveau de masse grasse suffisant mais non excessif, pour permettre une sécrétion hormonale optimale et préserver la fonction reproductive. Cette conférence explorera les mécanismes physiopathologiques reliant activité physique, tissu adipeux et fertilité, en s'appuyant sur les dernières données scientifiques. Elle mettra également en lumière la nécessité de développer des stratégies pour ajuster le niveau d'activité physique en fonction du profil de chaque femme, afin de tirer pleinement parti des bienfaits de l'exercice, sans compromettre la santé reproductive.
De Souza, M. J., Nattiv, A., Joy, E., Misra, M., Williams, N. I., Mallinson, R. J., Gibbs, J. C., Olmsted, M., Goolsby, M., Matheson, G., & Expert Panel. (2014). 2014 Female Athlete Triad Coalition Consensus Statement on Treatment and Return to Play of the Female Athlete Triad : 1st International Conference held in San Francisco, California, May 2012 and 2nd International Conference held in Indianapolis, Indiana, May 2013. British Journal of Sports Medicine, 48(4), 289. https://doi.org/10.1136/bjsports-2013-093218
Mena, G. P., Mielke, G. I., & Brown, W. J. (2019). The effect of physical activity on reproductive health outcomes in young women : A systematic review and meta-analysis. Human Reproduction Update, 25(5), 541‑563. https://doi.org/10.1093/humupd/dmz013
Mountjoy, M., Sundgot-Borgen, J., Burke, L., Carter, S., Constantini, N., Lebrun, C., Meyer, N., Sherman, R., Steffen, K., Budgett, R., & Ljungqvist, A. (2014). The IOC consensus statement : Beyond the Female Athlete Triad--Relative Energy Deficiency in Sport (RED-S). British Journal of Sports Medicine, 48(7), 491‑497. https://doi.org/10.1136/bjsports-2014-093502
Sustarsic, A., Hadzic, V., Meulenberg, C. J. W., Abazovic, E., Videmsek, M., Burnik Papler, T., & Paravlic, A. H. (2023). The influence of lifestyle interventions and overweight on infertility : A systematic review, meta-analysis, and meta-regression of randomized controlled trials. Frontiers in Medicine, 10, 1264947. https://doi.org/10.3389/fmed.2023.1264947
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