Introduction
Le meilleur athlète d'endurance au monde, capable de gravir l'Everest deux fois en une semaine est un européen (1) avec une histoire de vie inhabituelle. Kilian Jornet est né et a vécu et s'est entrainé en Cerdagne (haute plaine située à une altitude moyenne de 1200 m avec quelques sommets de moins de 3000 m autour). Cette modalité d'entraînement a longtemps été mise en avant pour expliquer ses performances exceptionnelles, mais avec beaucoup de scepticisme lié à la faible altitude. Afin d'établir les avantages physiologiques ou d'accepter que cette idée ne soit qu'un mythe, en raison d'une altitude insuffisante, nous avons étudié les réponses à l'exercice de deux groupes d'athlètes entraînés à l'endurance : un groupe d'athlètes résidant à basse altitude depuis de nombreuses années (Cerdagne) et un groupe d'athlètes vivant au niveau de la mer (Barcelone), dans leur environnement de vie et à une altitude modérée simulée.
Méthode
12 athlètes vivant et s'entraînant en Cerdagne, résidents d'altitude à 1200 m (RAlt) et 13 autres athlètes vivaient et s'entraînaient près de Barcelone au niveau de la mer, résidents au niveau de la mer (RMer) on participé à l'étude. Ils ont effectué un test incrémental maximal sur cycloergomètre dans deux conditions, de façon randomisée et à 72 heures d'intervalle : leur environnement de vie (BASE) et une altitude simulée à 2500 m (2500).
Résultats
Aucune différence n'a été rapporté entre les 2 groupes. Dans BASE, il n'y avait pas de différences au repos mais à l'exercice maximal, les athlètes RAlt ont présenté un épuisement des réserves ventilatoires (RV) plus important que les RMer (p<0,01). Les deux groupes ont montré une baisse significative de la saturation de l'O2 (SpO2) à l'effort alors que VO2max, Pmax et FCmax étaient similaires.
Le passage de BASE à 2500 a sensiblement augmenté FC mais a diminué SpO2 de manière significative seulement dans le groupe RMer au repos (p<0,001). A l'exercice maximal dans les deux groupes, VO2max, Pmax et SpO2max étaient significativement inférieures à celles de BASE. Cependant, le groupe RAlt a gardé des valeurs de SpO2max (p<0,001) et de ventilation max (VEmax) (p<0,05) significativement plus élevées que RMer, mais des RV plus faibles (p<0,01). FCmax a été significativement diminuée dans le groupe RMer alors que VEmax n'a pas été affectée. Dans les deux conditions, VEmax a tendance à être plus élevée dans le groupe RAlt que dans le groupe RMer (p = 0,067).
Discussion
Le groupe RAlt n'a pas de meilleure performance sur l'épreuve d'effort maximale que le groupe RMer à 2500m. Alors qu'il conserve une meilleure SpO2, il n'a pour autant pas une meilleure VO2max. Ce résultat pourrait être expliqué par la plus grande contrainte pulmonaire objectivée par l'épuisement des réserves ventilatoires. Amann (2012) a montré que le métaboréflexe, initié par la fatigue des muscles inspiratoires conduisait à une vasoconstriction au niveau des muscles périphériques (2) diminuant alors l'apport d'O2 vers les muscles périphériques et donc la performance. Pour les RAlt, VO2max est sans doute plus faible que ce qu'elle devrait être avec le super acclimatement. Cependant le groupe RAlt perd moins de VO2max (%) en passant de BASE à 2500 que le groupe RMer, laissant présager un avantage.
Conclusions / Perspectives
L'absence de données hématologiques et le fait que les RAlt ne soient pas des natifs ayant grandi dans le milieu (comme Kilian) sont les limitations de cette étude. D'autre part, la génétique est un facteur qui compte 30% dans la performance. Donc Kilian reste Kilian et il semble difficile de pouvoir comparer cet athlète aux autres.
Cependant, il est indéniable que les athlètes RAlt maintiennent mieux leur performance à 2500 m mais au prix de sacrifice sur le plan respiratoire. Un entrainement de la fonction respiratoire pourrait donc être envisagé, l'enjeu étant une amélioration de la capacité pour une demande importante.
Références
1- Millet, G. P., & Jornet, K. (2019). On Top to the Top—Acclimatization Strategy for the “Fastest Known Time” to Mount Everest. International Journal of Sports Physiology and Performance, 14(10), 1438‑1441.
2- Amann, M. (2012). Pulmonary system limitations to endurance exercise performance in humans. Exp Physiol; 97. 311-318
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