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La restriction sensorimotrice précoce induit des altérations mitochondriales dans les muscles squelettiques et les structures cérébrales chez le rat
Frédéric Daussin  1@  , Mélanie Van Gaever  1  , Olivier Dupuy  2  , Erwan Dupont  1  , Marie-Hélène Canu  1  
1 : Univ. Lille, Univ. Artois, Univ. Littoral Côte d'Opale, ULR 7369 – URePSSS – Unité de Recherche Pluridisciplinaire Sport Santé Société, Lille, France
Université de Lille
2 : Laboratory MOVE (UR 20296), Faculty of Sport Sciences (STAPS), University of Poitiers, Poitiers, France
Université de Poitiers

Introduction

L'enfance est une période critique de développement au cours de laquelle l'activité physique et les interactions sensori-motrices sont essentielles pour une maturation harmonieuse, en particulier du système nerveux central. Selon l'OMS (2022), la sédentarité est un facteur majeur augmentant la prévalence des maladies chroniques, affectant notamment la santé cérébrale et motrice. Il a été démontré que la mitochondrie, organite clé dans la production d'ATP, joue un rôle fondamental dans les fonctions musculaires et cérébrales, notamment en assurant la neurotransmission et la plasticité synaptique. Si les effets de la sédentarité sur la fonction mitochondriale musculaire sont bien décrits, leur impact sur les structures cérébrales reste mal compris, en particulier au cours du développement. L'objectif de cette étude était d'évaluer si une restriction sensorimotrice précoce (RSM) modifie le métabolisme mitochondrial dans les muscles squelettiques et des structures cérébrales chez le rat.

Méthodologie

Des rats Sprague-Dawley ont été soumis dès la naissance à une RSM consistant en l'immobilisation partielle des membres postérieurs 16 heures par jour jusqu'au 28ᵉ jour postnatal (J28). Deux muscles (soléaire, EDL) et quatre structures cérébrales (cortex sensorimoteur, striatum, cortex préfrontal, hippocampe) ont été prélevés à deux stades du développement : J15 et J28. Les activités enzymatiques de la citrate synthase (CS) et des complexes I, II et IV de la chaîne respiratoire mitochondriale ont été mesurées par spectrophotométrie. La respiration mitochondriale a été mesurée par oxygraphie à haute résolution dans les tissus musculaires et cérébraux à J28.

Résultats

La RMR a induit une réduction significative du poids corporel et des muscles analysés (soléaire et EDL), particulièrement marquée au J28. Au niveau musculaire, laesoléaire, un muscle à fibres lentes et oxydatives, a montré une diminution de l'activité de la CS au J15, ainsi qu'une réduction persistante des activités des complexes I et II. L'EDL, muscle à fibres rapides, a été moins affecté, avec une baisse transitoire de l'activité du complexe I au J15 seulement.

Concernant la respiration mitochondriale, une réduction de la respiration mitochondriales stimulées par les complexes I et I+II a été observée dans le soléaire des rats RSM à J28, traduisant une altération fonctionnelle de la chaîne respiratoire mitochondriale. L'EDL, en revanche, n'a pas été affecté par le RSM. 

Dans les structures cérébrales, la RSM a induit des effets dépendants de la région et de l'âge. Une augmentation transitoire de l'activité de la CS a été notée à J15 dans le cortex sensorimoteur et le striatum, sans modification à J28. L'hippocampe a révélé une diminution des activités enzymatiques des complexes I et IV à J28, sans altération notable dans le cortex préfrontal. Enfin, la respiration mitochondriale était réduite au niveau du cortex sensorimoteur des rats SMR, tandis qu'une tendance était observée au niveau de l'hippocampe.

Discussion et conclusion

Ces résultats montrent que la restriction sensorimotrice précoce induit des altérations mitochondriales spécifiques des tissus et dépendantes de l'âge. Dans le muscle, l'impact est plus prononcé dans le muscle oxydatif soléaire, suggérant une moindre capacité à maintenir l'intégrité mitochondriale sous conditions d'inactivité partielle. Ce profil pourrait refléter une transition vers un phénotype plus glycolytique.

Au niveau cérébral, les altérations sont structure-spécifiques, affectant particulièrement l'hippocampe, structure clé dans les processus cognitifs et connue pour sa sensibilité aux modifications environnementales et métaboliques. L'altération mitochondriale observée pourrait contribuer à un risque accru de déficits cognitifs à long terme en cas de réduction précoce de l'activité physique.

Cette étude souligne l'importance d'une stimulation motrice précoce pour le maintien de la santé mitochondriale, tant au niveau musculaire que cérébral, et rappelle la nécessité de prévenir la sédentarité dès les premières phases du développement.


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