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Mécanismes aigus et chroniques de l'atrophie musculaire induite par la chimiothérapie chez des patients atteintes d'un cancer du sein : le rôle clef de NF-κB
Joris Mallard  1, 2, 3@  , Lea Debrut  1  , Elyse Hucteau  1, 2, 3  , Laura Somme-Bender  3  , Hervé Bischoff  3  , Fabien Moinard-Butot  3  , Roland Schott  3  , Pierre Coliat  3  , Abdelmalek Bendjama  3  , Léo Weltzer  1, 3  , Alexandre Sharifi Tafreshi  3  , Lauréline Boutonnet  1  , Gilles Laverny  4  , Céline Keime  4  , Fabrice Favret  1, 2  , Xavier Pivot  3  , Thomas J Hureau  1, 2  , Allan F Pagano  1, 2  
1 : UR 3072, Centre de Recherche en Biomédecine de Strasbourg (CRBS), Fédération de Médecine Translationnelle
université de Strasbourg
2 : Centre d'Enseignement, de Recherche et d'Innovation en Physiologie de l'Exercice (CEERIPE), Faculté des Sciences du Sport
université de Strasbourg
3 : Institut de Cancérologie Strasbourg Europe (ICANS)
Strasbourg
4 : Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire
université de Strasbourg, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Centre National de la Recherche Scientifique, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale : U964, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7104, université de Strasbourg : UMR7104, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale : U1258

Introduction

Le traitement par chimiothérapie (CT) du cancer du sein de stade précoce se compose principalement d'une administration séquentielle d'épirubicine-cyclophosphamide (EC), suivie d'une administration hebdomadaire de paclitaxel (TAX). Bien que l'utilisation de ces molécules ait significativement amélioré le taux de survie des patientes, de nombreux effets secondaires sont rapportés, notamment au niveau du muscle strié squelettique. En effet, ces chimiothérapies sont connues pour engendrer un déconditionnement musculaire qui se caractérise par une importante atrophie, mais dont les mécanismes sous-jacents sont encore très peu étudiés. Cette étude a donc pour objectif d'investiguer les mécanismes aigus et chroniques de l'atrophie musculaire induite par la chimiothérapie en dissociant les effets spécifiques de l'EC et du TAX.

Méthode

Des biopsies musculaires du muscle vaste latéral ont été obtenues avant et 4 jours après la première administration d'EC (N=10) ou de TAX (N=10), ou avant et après l'ensemble du traitement par CT (N=11). Des analyses histologiques, des western blots et un séquençage de tous les ARNm (RNAseq) ont été réalisés. Enfin, des expérimentations de culture cellulaire ont été conduites sur des myotubes issus d'une lignée immortalisée humaine (LHCN-M2). Ces derniers ont été traités avec de l'EC ou du TAX, avec ou sans sulfasalazine, un inhibiteur spécifique de NF-kB.

Résultats

Une diminution de la surface de section des fibres musculaires a été documentée post-EC (-33%; p<0.001), sans aggravation post-TAX, ce qui suggère donc que l'atrophie musculaire observée post-CT est majoritairement causée par l'administration d'EC. Le RNAseq a permis de mettre en évidence une importante régulation à la hausse de la voie NF-κB, ce qui a été confirmé par une augmentation de l'expression protéique de p-NF-κB(Ser536)/NF-κB post-EC (+110%; p=0.016), post-TAX (+136%; p=0.033) et post-CT (+11%; p=0.042), associée à une augmentation de l'expression protéique de p-IκBα(Ser32)/IκBα post-EC (+174%; p=0.049) et post-TAX (+360%; p=0.051). Le RNAseq a également rapporté une augmentation de la dégradation protéique par le système ubiquitine-protéasome, ce qui est renforcé par l'augmentation des niveaux de protéines de MuRF1 et MAFbx post-EC (+176% et +29%; p=0.004 et p=0.016), post-TAX (+138% et +136%; p=0.026 et p=0.048) et post-CT (uniquement MuRF1, +103%; p=0.019). Les expérimentations de culture cellulaire ont mis en évidence que l'EC et le TAX induisaient une atrophie musculaire caractérisée par une diminution de la taille des myotubes (-34% et -36%; p<0.001), qui pouvait s'expliquer par une augmentation de l'activité du protéasome (+335% et +263%; p<0.05), une diminution du flux de synthèse protéique (-80% et -26%; p<0.05), et une augmentation de l'initiation de l'apoptose mise en évidence par une augmentation des niveaux protéiques de Bax/Bcl-2 (+306% et +237%; p<0.05. A l'inverse, l'administration de sulfasalazine a permis de totalement contrecarrer l'atrophie en réduisant l'augmentation de l'activité du protéasome, sans toutefois restaurer le flux de synthèse protéique.

Discussion

En combinant des biopsies musculaires obtenues de manière aigue ou chronique tout au long du traitement par chimiothérapie avec des expérimentations in vitro, nous avons développé une approche compréhensive globale de l'atrophie musculaire, via des mesures histologiques, transcriptomiques et d'analyses de niveaux protéiques par western blots. Nos résultats soulignent le rôle clef de la voie NF-κB et de de la dégradation protéique par le système ubiquitine-protéasome, tout en démontrant que l'inhibition de cette voie prévient totalement l'atrophie.

Conclusion/perspectives

Les prochaines études doivent ainsi se concentrer sur le développement d'une inhibition spécifique de NF-κB au niveau musculaire pour préserver la fonction musculaire des patientes atteintes d'un cancer du sein, sans créer d'effets concurrents avec la chimiothérapie. Ainsi, l'exercice pourrait être un moyen préventif d'intérêt, mais la caractérisation d'une posologie efficace (durée, fréquence, intensité, modalité) est encore nécessaire chez l'humain.


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