Introduction
L'imagerie motrice (IM) contribue à améliorer la performance et facilite la récupération fonctionnelle à la suite d'atteintes sensorimotrices (McNeil et al., 2025). Ses effets sur les gains de force sont par ailleurs solidement documentés, bien que plus marqués pour des muscles à forte représentation somatotopique au sein du cortex sensorimoteur (Liu et al., 2023). L'IM permet également d'améliorer la technique gestuelle, de renforcer la confiance et diminuer l'anxiété. Son intégration dans les routines de pré-performance est à ce titre bien établie (Cotteril, 2010). Pour autant, la littérature a peu exploré dans quelle mesure la nature du contenu imaginé peut favoriser ou nuire à la performance motrice ultérieure. Nous avons testé l'hypothèse qu'une imagerie orientée vers le développement de la confiance et de l'activation physiologiquemettrait les athlètes dans de bonnes dispositions avant la performance. Une IM centrée sur l'exécution technique pourrait produire l'effet inverse et interférer avec le rappel des automatismes, en augmentant la charge cognitive et attentionnelle. Ce surcontrôle mental perturberait l'efficacité du mouvement (Beilock & Carr, 2001).
Méthode
Cent-vingt pratiquants confirmés de CrossFit® ont participé à cette étude en cross-over. Lors d'un pré-test et d'un post-test, espacés de 48 heures, les performances en épaulé et arraché ont été évaluées. Avant le post-test, les participants ont réalisé quatre conditions expérimentales dans un ordre contrebalancé. Trois conditions consistaient en une session d'IM juste avant l'effort, orientée respectivement vers la confiance, l'activation ou l'aspect technique; dans la 4ème condition contrôle, les participants se préparaient sans recours à l'IM. La charge de travail était standardisée à 90 % de force maximale. Pour chaque condition, six essais d'IM étaient réalisés dans les cinq minutes précédant l'exécution du mouvement. Les performances ont été évaluées à travers l'analyse de la puissance développée et de la trajectoire de la barre. Le degré de motivation et les sensations de fatigue perçue et de difficulté ont été recueillis via des mesures subjectives auto-rapportées.
Résultats et discussion
Les performances lors des mouvements d'arraché et d'épaulé ont augmenté après l'imagerie de confiance ou d'activation, comparativement à la condition contrôle ou l'imagerie technique (p<0.001). Les performances après l'imagerie technique étaient par ailleurs réduites comparativement à toutes les autres conditions (p<0.001). La déviation de la trajectoire de la barre était elle aussi plus marquée après l'imagerie technique que dans toutes les autres conditions (p<0.001) alors qu'elle était réduite après une imagerie de confiance ou d'activation (p<0.001). La difficulté et l'effort perçus et le degré de motivation à réaliser chaque type d'imagerie étaient similaires dans toutes les conditions. Ces données mettent en évidence les effets délétères d'une imagerie centrée sur la technique dans le cadre des routines de pré-performance. En focalisant l'attention de l'athlète sur les éléments à contrôler pour exécuter correctement le geste, le risque de perturber l'accès aux automatismes et de compromettre le déroulement fluide du plan d'action augmentent (Beilock & Carr, 2001). Ce phénomène, qualifié de « surcontrôle », peut nuire à la spontanéité et à la fluidité gestuelle. Une imagerie orientée vers la confiance ou l'activation placent au contraire l'athlète dans un état mental optimal, propice à la réussite. Ce type d'imagerie favorise l'engagement et la disponibilité mentale, autant de facteurs clés dans les contextes de haute exigence. Comme le suggèrent les observations de terrain, il apparaît donc préférable d'éviter de centrer l'IM sur l'aspect technique juste avant l'action, afin de préserver les conditions optimales de performance.
Références
Beilock S.L. & Carr T.H. (2001). On the fragility of skilled performance: What governs choking under pressure? Journal of Experimental Psychology: General, 130(4), 701-725.
Cotterill S.T. (2010). Pre-performance routines in sport: Current understanding and future directions. International Review of Sport and Exercise Psychology, 3(2), 132-153.
Liu X.J., Ge S., Cordova A., Yaghi Z., Jiang Bo Y., Yue G.H. & Yao W.X. (2023). Elderly may benefit more from motor imagery training in gaining muscle strength than young adults: A systematic review and meta-analysis. Frontiers in Psychology, 13, 1052826.
McNeil D.G., Lindsay R.S., Worn R., Spittle M. & Gabbett T.J. (2025). Could Motor Imagery Training Provide a Novel Load Management Solution for Athletes? Recommendations for Sport Medicine and Performance Practitioners. Sports Health, 17(1), 156-163.
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