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Effet de la réalisation d'une tâche fatigante sur la modulation des courants entrants persistants
Cyril Chatain  1@  , Rayane Roty  1  , Thomas Cattagni  2  , Romuald Lepers  1  , Raphaël Hamard  1  , Vianney Rozand  1  
1 : INSERM UMR1093-CAPS, Université Bourgogne Europe, UFR des Sciences du Sport, Dijon
INSERM U1093, Cognition Action et Plasticité Sensorimotrice
2 : Nantes Université, Motricité, Interactions, Performance, MIP UR 4334, Nantes
Movement - Interactions - Performance, MIP, UR 4334, F-44000 Nantes, France

Introduction

Les courants entrants persistants (persistent inward currents, PICs) amplifient et prolongent les signaux excitateurs reçus par les motoneurones spinaux. En modifiant le gain entre les signaux excitateurs et la sortie motrice, ils jouent un rôle clé dans l'activité des motoneurones et la production de force musculaire. Des travaux sur modèle animal ont montré que l'activation répétée des motoneurones inhibe les PICs, entraînant une réduction de l'activité motoneuronale (Cotel et al., 2013). Toutefois, cette observation reste à confirmer chez l'humain. Par conséquent, l'objectif de cette étude était d'évaluer l'effet d'une tâche fatigante sur la contribution des PICs à la fréquence de décharge des unités motrices (UMs). Considérant que la fatigue neuromusculaire diminue l'excitabilité des motoneurones, nous émettons l'hypothèse d'une réduction des PICs après la réalisation d'une tâche fatigante.

Méthode

11 jeunes adultes (âge : 26 ± 5ans) ont réalisé une tâche fatigante basée sur la répétition de 10 contractions isométriques en rampes triangulaires d'une durée de 40 s chacune jusqu'à 60% de la force maximale volontaire (FMV) de flexion dorsale de la cheville. Il était également demandé aux participants de réaliser 2 contractions en rampes triangulaires (10s de montée et 10s de descente jusqu'à 20% de la FMV) avant de démarrer la tâche fatigante. Après la tâche fatigante, les participants devaient réaliser 4 contractions en rampes triangulaires de même durée mais selon deux modalités, i.e., 2 contractions jusqu'à 20% de la FMV post-fatigue (même intensité relative) et 2 contractions jusqu'à 20% de la FMV initiale (même intensité absolue). Afin de quantifier le niveau de fatigue induit par la tâche, la FMV des participants a été évaluée avant et immédiatement après la tâche fatigante. L'électromyographie de surface à haute densité a été utilisée pour décoder l'activité unique des motoneurones du tibial antérieur. L'amplitude des PICs a été estimée par la technique des paires d'UMs qui mesure la différence de fréquence de décharge (ΔF) d'une UM test au moment du recrutement et du dérecrutement d'une UM contrôle (Gorassini et al., 1998).

Résultats

La FMV était significativement réduite après la réalisation de la tâche fatigante (-15,3 ± 10,5% ; p=0,002). En moyenne, 22 ± 12 UMs par participant ont pu être suivies lors des contractions réalisées avant et après la tâche fatigante, permettant de constituer 101 ± 166 paires d'UMs. La valeur de ΔF était significativement diminuée après la tâche fatigante lors des contractions à même intensité relative (p=0,041) sans changement pour les contractions à même intensité absolue (p=0,737). Les seuils de recrutement et de dérecrutement des UMs n'ont pas été modifiés après la tâche fatigante pour les contractions à mêmes intensités relative et absolue (tous les p>0,161).

Discussion

Nos résultats suggèrent que la fatigue neuromusculaire engendre une diminution de la contribution des PICs à l'activité des motoneurones. Néanmoins, ce phénomène n'a été observé que lorsque les contractions triangulaires ont été réalisées à la même intensité relative. L'absence de diminution des PICs après la tâche fatigante pour les contractions réalisées à la même intensité absolue peut s'expliquer par le fait que, lors de ces contractions, l'intensité relative était augmentée en raison de la diminution des capacités de production de force des participants. Différents travaux suggèrent qu'une intensité relative plus élevée engendre une augmentation de la contribution des PICs (Orssatto et al., 2021). Ces résultats soulignent l'importance de considérer les modalités de contractions triangulaires (intensité relative ou absolue) pour mieux cerner l'effet de la fatigue sur les PICs.

Conclusions/perspectives

Nos résultats suggèrent que la répétition de contractions fatigantes induit une diminution de l'activité des PICs pouvant, en partie, expliquer la diminution des capacités de production de force des individus au cours d'un exercice. Cette diminution pourrait refléter une altération de la neuromodulation ou des modifications des schémas d'inhibition synaptique. Ces résultats appuient l'intérêt de développer des stratégies visant à atténuer la diminution de PICs dans un contexte de fatigue.

Références

Cotel, F. et al. (2013). Serotonin spillover onto the axon initial segment of motoneurons induces central fatigue by inhibiting action potential initiation. PNAS.

Gorassini, et al. (1998). Self-sustained firing of human motor units. Neuroscience Letters.

Orssatto, L. B. R. et al. (2021). Estimates of persistent inward currents increase with the level of voluntary drive in low-threshold motor units of plantar flexor muscles. Journal of Neurophysiology.


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