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Prévenir les chutes dans l'espace public extérieur : vers un consensus d'experts par une étude Delphi
Antoine Langeard  1@  , Bettina Wollesen  2  
1 : COMETE UMR-S 1075
Université de Caen Normandie, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM
2 : German Sports University Cologne

Introduction : Les chutes des personnes âgées dans l'espace public extérieur représentent un enjeu de santé publique majeur souvent négligé. Alors que les facteurs de risque de chute en milieu intérieur ont été largement étudiés, ceux liés à l'espace public extérieur restent encore peu explorés, malgré leur importance pour le maintien de l'autonomie et de la vie sociale des séniors. Par ailleurs, les personnes âgées, les plus exposées au risque de chute, sont rarement consultées lors de l'élaboration des recommandations, ce qui limite la pertinence et l'acceptabilité des stratégies de prévention. L'objectif de cette étude est d'identifier les facteurs de risque de chute dans l'environnement public extérieur et de co-construire, avec un panel d'experts incluant des chuteurs âgés, des recommandations concrètes pour prévenir ces chutes.

Méthode : Une étude Delphi a été menée pour recueillir l'avis de quatre groupes de parties prenantes : 18 personnes âgées ayant chuté dans l'espace public extérieur, 18 experts scientifiques ou professionnels de santé, 18 spécialistes de l'aménagement urbain, et 14 élus ou décideurs publics. Le questionnaire initial incluait des questions ouvertes portant sur les facteurs intrinsèques et environnementaux de risque, les actions prioritaires à mettre en œuvre, les freins et leviers aux changements nécessaires pour réduire le risque de chute. Les 1015 items obtenus ont été codés manuellement puis regroupées pour construire un questionnaire de 130 positions synthétiques pour le second round. Ces propositions ont été soumises à évaluation par les panelistes dans un second round (en cours), pour juger la pertinence de chaque item (entre 1 et 10). Le troisième round visera à consolider les convergences sur les items ayant obtenu un score moyen supérieur à 7/10.

Résultats : Les résultats qualitatifs du premier round ont été analysés. Parmi les facteurs de risque de chute dans l'espace public extérieur, les facteurs intrinsèques les plus fréquemment cités concernent la diminution des capacités physiques, sensorielles et motrices (130 mentions), les troubles cognitifs et psychologiques (49), les pathologies liées à l'âge (40), ainsi que la sédentarité (7). Côté environnemental, les principales préoccupations portent sur la qualité des revêtements (150), les obstacles sur les trottoirs (88), le manque de signalisation adaptée (38), et l'éclairage public déficient (22). Concernant les leviers d'action prioritaires, les participants ont mis en avant la révision des normes et des plans d'accessibilité avec des mentions spécifiques au risque de chute à ajouter (34), le recours à des outils technologiques (15), mais aussi la concertation continue avec les usagers (20), la sensibilisation intergénérationnelle (15) et la formation des professionnels (6). Les principaux freins identifiés incluent le coût des aménagements (16), le manque de financements (18), la complexité organisationnelle et technique (13), et des facteurs socioculturels comme l'indifférence ou les inégalités territoriales (9). Chaque groupe a apporté des perspectives complémentaires. Les experts scientifiques et de santé ont été les plus nombreux à proposer des interventions en activité physique. Les urbanistes ont surtout suggéré des modifications des normes et politiques. Les séniors chuteurs ont pointé les irrégularités des trottoirs comme risque principal. Les décideurs locaux ont priorisé l'entretien régulier des aménagements piétons pour réduire le risque. Le degré de consensus et de divergence entre les groupes de participants est en cours d'évaluation.

Discussion : L'intégration des chuteurs âgés comme experts a mis en lumière des éléments difficilement accessibles autrement, notamment liés aux usages réels des voies piétonnes. Les résultats illustrent la diversité des risques, qu'ils soient personnels ou environnementaux. Les propositions recueillies reflètent aussi des approches variées du changement : certaines relèvent de l'aménagement urbain, d'autres de la sensibilisation des publics, de la concertation avec les usagers, ou du recours à des outils technologiques. Ces résultats peuvent ainsi être utilisés pour orienter les politiques publiques en matière d'aménagement, outiller les professionnels de santé pour mieux repérer les situations à risque, ou encore permettre aux personnes âgées elles-mêmes d'identifier les zones dangereuses ou d'adapter leurs comportements.

Conclusions / Perspectives : Cette étude ouvre la voie à une priorisation des mesures les plus pertinentes et réalisables, dans la perspective de politiques publiques plus efficaces et acceptées pour réduire le risque de chute dans l'espace public extérieur.


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