Introduction
En sports Paralympiques, la catégorie T64 correspond aux para-athlètes avec une amputation trans-tibiale et courant avec une prothèse de course(1). Bien que l'analyse du sprint chez les athlètes valides ont fait l'objet de plusieurs études(2), les épreuves de sprints paralympiques ont reçu beaucoup moins d'attention. Cette étude vise à comparer certains déterminants de la performance chez quatre para-athlètes féminines finalistes du 100m aux Jeux Paralympiques de Tokyo2020 et de Paris2024.
Méthode
Les vidéos utilisées ont été extraites de sources en libre accès. Les séquences choisies présentaient des vues optimales pour l'analyse du sprint. Le logiciel Kinovea(v2023.1.2) a permis d'effectuer des mesures sur 12 segments de course répartis entre 0 et 100m. Les paramètres étudiés comprenaient la fréquence et la longueur de pas et la vitesse moyenne calculés pour toutes les sections entre le départ et l'arrivée. Fleur Jong était la seule athlète à porter deux prothèses (amputation bilatérale).
La validation de la méthode d'analyse vidéo a été réalisée par une comparaison(2) avec les données du record du monde d'Usain Bolt sur 100m. Avec une calibration par section et par corridor de piste, l'erreur entre les mesures se situait à moins de 1.2% pour tous les paramètres étudiés.
Résultats
À Tokyo2020, Marlene van Gansewinkel (médaille d'or) atteint sa vitesse maximale de 9,44 m/s à 55 m, précédée d'un pic de fréquence à 4,44 pas/s. La vitesse de Marissa Papaconstantinou (bronze) a culminé à 8,95 m/s avec une fréquence de 4,30 pas/s à 47 m. Kimberly Alkemade (5ᵉ place) a montré une fréquence stable (4,30 pas/s) entre 30-70m, puis un léger déclin (4 pas/s) tandis que Fleur Jong a démontré une cadence plus basse (4.25 pas/s) entre 30-50m et une décroissance marquée (3.80 pas/s) en fin de course.
À Paris2024, Fleur (or) et Kimberly (argent) ont amélioré leur vitesse maximale, atteignant à 64m respectivement 9,34 m/s et 9,24 m/s. Fleur a aussi augmenté sa cadence au départ (4,54 pas/s) et l'a maintenue au-dessus de 4,0 pas/s. Marissa a vu sa performance diminuer avec une réduction de sa vitesse maximale de 8.76m/s à 55 m.
En comparant les Jeux de Tokyo et Paris, Fleur affiche le plus grand gain en performance (0,6s), résultant d'une amélioration combinée de sa fréquence et de sa longueur de pas. Marissa présente une chute plus marquée de sa cadence (4,44 pas/s à 3,9 pas/s) au-delà de 55m à Paris ce qui explique qu'elle n'est pas remonté sur le podium.
Discussion
Les résultats démontrent que la performance en sprint chez les para-athlètes T64 repose sur une coordination entre la fréquence et la longueur des pas. Les prothèses de course en fibre de carbone pourraient améliorer la performance en sprint(3). Leur forme en J permet de restituer l'énergie accumulée pendant la phase d'appui(1). Une plus grande rigidité combinée à une cadence plus élevée conduirait à de meilleures performances(4). Ces observations concordent avec les données chez les athlètes valides, où une rigidité articulaire plus importante à la cheville/genou est liée à une meilleure performance(5).
Cependant, la performance de Fleur (double amputation) à Paris par rapport à ses concurrentes amputées unilatérales soulèvent des questions sur l'avantage possible que procure les prothèses. La réglementation (IAAF, règle 144.2) interdit tout dispositif procurant un avantage mécanique. Il est intéressant de soulever l'idée que la conception prothétique pourrait avantager les performances en fonction de l'amputation.
Conclusion / Perspectives
L'analyse vidéo, lorsqu'elle est correctement calibrée, constitue un outil accessible pour évaluer la performance en sprint chez les para-athlètes. Les résultats de cette étude peuvent guider les entraîneurs dans l'optimisation des paramètres mécaniques du sprint. Des recherches futures pourraient explorer l'adaptation des prothèses à la morphologie et aux stratégies motrices individuelles des para-athlètes, dans une perspective de performance et d'équité.
Références
- Tacca JR, Beck ON, Taboga P, Grabowski AM. (2022). R Soc Open Sci, 9(6), 211691.
- Graubner R, Nixdorf E. (2011). New Stud. Athl., 26, 19–53.
- De Luigi AJ. (2024). PM R, 16(4), 409–417.
- Taboga P, Kram R, Grabowski AM. (2016). J Exp Biol, 219(Pt 6), 851–858.
- Charalambous L, Irwin G, Bezodis IN, Kerwin D. (2012). J Sports Sci, 30(1), 1–9.
PDF version