L'intelligence émotionnelle (IE) joue un rôle clé dans la manière dont les athlètes perçoivent, gèrent et s'adaptent au stress en compétition (Laborde et al., 2015). Elle influence les évaluations cognitives, modifiant la perception des situations et le sentiment de contrôle. Les athlètes avec une IE élevée ont tendance à percevoir le stress comme un défi, tandis que ceux avec une IE plus faible l'associent davantage à une menace (Mikolajczak & Luminet, 2008). Une approche longitudinale est essentielle pour comprendre ces dynamiques sur l'ensemble d'une saison sportive.
Cette étude visait à identifier des trajectoires distinctes de perception du stress et du contrôle chez les athlètes et à déterminer si ces trajectoires pouvaient être prédites par les cinq sous-dimensions de l'IE. Pour cela, 415 athlètes (102 femmes, 313 hommes, Mage = 20.52, SDage = 6.05) ont répondu à des échelles mesurant l'IE, le stress perçu, le contrôle perçu et la performance sur cinq temps de mesures au cours d'une saison sportive.
Des analyses de croissance de classes latentes ont permis d'identifier quatre trajectoires :
- Deux trajectoires de stress perçu : stress perçu modéré et stable, et stress perçu faible et stable
- Deux trajectoires de contrôle perçu : contrôle perçu élevé et stable, et contrôle perçu décroissant en forme de U
Un t-test a ensuite été réalisé pour comparer les scores de performance entre les deux trajectoires de stress perçu, ainsi qu'entre les deux trajectoires de contrôle perçu, afin d'identifier celles associées aux meilleures performances. Les résultats montrent que les sportifs appartenant à la trajectoire stress perçu modéré et stable obtiennent des scores de performance significativement plus élevés que ceux appartenant à la trajectoire stress perçu faible et stable. De même, les sportifs appartenant à la trajectoire contrôle perçu élevé et stable présentent des scores de performance significativement supérieurs à ceux de la trajectoire contrôle perçu décroissant en forme de U.
Les résultats montrent que les athlètes ayant une meilleure régulation émotionnelle appartiennent davantage aux trajectoires de contrôle favorables à la performance. De plus, ceux qui possède une meilleure capacité à utiliser activement leurs émotions sont plus enclins à suivre une trajectoire de stress perçu adaptée à la performance.
Ces trajectoires confirment les principes de la Théorie Relationnelle Cognitive Motivationnelle de Lazarus (2000). Les compétitions perçues comme sans enjeu génèrent peu de stress, expliquant l'émergence d'une trajectoire faible et stable de stress perçu. À l'inverse, les compétitions jugées importantes entraînent un stress modéré et stable (Lazarus, 1993). Concernant le contrôle perçu, plus les athlètes ont confiance en leurs ressources, mieux ils régulent leur stress, ce qui favorise une trajectoire élevée et stable de contrôle. À l'inverse, un manque de confiance conduit à une diminution du contrôle perçu en compétition.
Les résultats soulignent l'importance d'agir sur la régulation et l'utilisation des émotions pour optimiser la perception du stress et du contrôle. Ils suggèrent des pistes pour le développement d'interventions en IE visant à améliorer la gestion du stress et la performance des athlètes sur l'ensemble d'une saison. Cela permettrait aux athlètes de modifier leurs trajectoires dysfonctionnelles de stress perçu et de contrôle et/ou de stabiliser leurs trajectoires fonctionnelles au fil du temps afin d'optimiser leurs performances. De plus, les capacités analytiques et prédictives des données massives fournissent des outils puissants pour améliorer les performances des athlètes sur le terrain, permettant des interventions personnalisées (Mayer et al., 2004).
Références :
Lazarus, R.S. (1993). From psychological stress to the emotions: A history of changing outlooks. Annual Review of Psychology, 44, Article 245. https://doi.org/10.1146/annurev.ps.44.020193.000245
Lazarus, R.S. (2000). How emotions influence performance in competitive sports. The Sport Psychologist, 14, 229–252. https://doi.org/10.1123/ tsp.14.3.229
Laborde, S., Dosseville, F., & Allen, M.S. (2015). Emotional intelligence in sport and exercise: A systematic review. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports, 26, 862–874. https://doi.org/10.1111/ sms.12510
Mayer, J.D., Salovey, P., & Caruso, D.R. (2004). Emotional intelligence: Theory, findings, and implications. Psychological Inquiry, 15, 197– 215. https://doi.org/10.1207/s15327965pli1503_02
Mikolajczak, M., & Luminet, O. (2008). Trait emotional intelligence and the cognitive appraisal of stressful events: An exploratory study. Personality and Individual Differences, 4, 1445–1453. https://doi. org/10.1016/j.paid.2007.12.012
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