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Pédagogie linéaire vs non-linéaire en sports collectifs : effets sur la coordination interpersonnelle et la performance d'équipes de rugby et basketball
Quentin Bourgeais  1, 2@  , Guillaume Hacques  3  , Ludovic Seifert  1, 4  
1 : Centre d'études des transformations des activités physiques et sportives
Université de Rouen Normandie
2 : Laboratoire d'Informatique, du Traitement de l'Information et des Systèmes
Université Le Havre Normandie, Université de Rouen Normandie, Institut national des sciences appliquées Rouen Normandie
3 : Motricité, interactions, performance UR 4334 / Movement - Interactions - Performance
Le Mans Université
4 : Institut Universitaire de France
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Introduction

En sports collectifs, la coordination interpersonnelle est au cœur de la performance. Parmi les théories visant à expliquer cette coordination, deux diffèrent particulièrement : l'approche sociocognitive, défendant un nécessaire partage de connaissances et représentations mentales, et l'approche dynamique-écologique, s'appuyant sur un partage d'affordances (possibilités d'actions offertes par l'environnement) [1]. Cette dichotomie se répercute sur l'apprentissage : on optera pour une pédagogie linéaire (LP) – basée sur l'instruction explicite d'une solution idéale pour répondre à une situation donnée – ou pour une pédagogie non-linéaire (NLP) – misant sur une auto-organisation émergent de la manipulation de contraintes [2]. Si la NLP permet d'améliorer la prise de décision individuelle et/ou la réussite de la tâche [3], ses effets sur la coordination interpersonnelle restent peu explorés. En particulier, on souhaite ici vérifier si une NLP permet également une plus grande variabilité fonctionnelle et une meilleure performance à l'échelle collective.

Méthode

Dans cette double-étude expérimentale menée dans des centres de formation élite (rugby/basketball), on compare l'effet de différentes pédagogies lors d'une séance, sur du jeu réduit. 14 équipes de rugby sont assignées aléatoirement en LP ou NLP, jouant contre différents scénarios défensifs dans un protocole divisé en trois phases (pré-test, intervention, post-test/transfert). 13 équipes de basketball expérimentent trois pédagogiques (LP, NLP, et une pédagogie mixte) combinées à diverses intentions de jeu lors de séries de possessions en 4vs4 puis en 5vs5 (test de transfert). La coordination interpersonnelle est étudiée en modélisant des réseaux temporels de passes [4] : on s'attend à trouver une plus grande diversité dans les formes d'interactions (mesure d'entropie) en NLP. On s'attend également à ce que la NLP montre de meilleurs résultats, surtout lors de tests de transfert.

Résultats

Les ANOVA ne révèlent aucun résultat significatif relatif aux hypothèses. Les équipes de rugby et de basketball ont une entropie plus élevée en NLP [rugby : F(1,12)=3.20, p=.099, η²=.04) ; basketball : F(1.61,19.37)=2.60, p=.108, η²=.04], et les équipes de rugby gagnent plus de mètres par possession en NLP lors du post-test [F(1,12)=3.07, p=.105, η²=.064], mais on est au-dessus du seuil de significativité (p<.05).

Discussion

Dans les deux sports, les résultats tendent dans la direction des hypothèses mais ne sont pas significatifs. Néanmoins, ces tendances laissent penser que l'effet d'une pédagogie non-linéaire n'est pas exclusif à un apprentissage moyen/long-terme (sur plusieurs séances) mais pourrait également apparaitre à plus court-terme (sur une seule séance). Cette double-étude permet aussi de souligner la complexité d'étudier les pratiques pédagogiques des entraineurs en situation réelle, au vu des différences entre théories et pratiques, mais aussi entre ce que les entraineurs pensent faire et ce que les entraineurs font réellement [5].

Conclusions / Perspectives

Cette double-étude expérimentale – menée dans le cadre du projet TEAM SPORTS (ANR-19-STHP-0006) – constitue une tentative de comparaison entre pédagogies linéaire et non-linéaire sur les coordinations interpersonnelles en situation réelle. Si aucun effet significatif n'est observé, les tendances convergentes dans deux sports différents suggèrent que les effets observés à l'échelle individuelle pourraient s'appliquer également au niveau collectif, même à court terme. Ces résultats appellent à des recherches complémentaires, notamment en considérant davantage les écarts entre intentions pédagogiques et pratiques réelles des entraineurs.

 

Références

[1] Araújo, D., & Bourbousson, J. (2016). Theoretical perspectives on interpersonal coordination for team behaviour. In M. Raab, P. R. Ribeiro, & M. Seifert (Eds.), Interpersonal coordination and performance in social systems (pp. 126–139). Routledge.

[2] Chow, J. Y., Davids, K., Hristovski, R., Araújo, D., & Passos, P. (2011). Nonlinear pedagogy: Learning design for self-organizing neurobiological systems. New Ideas in Psychology, 29(2), 189–200.

[3] Mehranmanesh, M., Vaez Mousavi, S. M. K., & Aslankhani, M. A. (2024). Outcomes of linear and non-linear pedagogy in learning sport and motor skills: A systematic review. Motor Behavior, 16(55), 75–108.

[4] Bourgeais, Q., Charrier, R., Sanlaville, E., & Seifert, L. (2024). A temporal graph model to study the dynamics of collective behavior and performance in team sports: An application to basketball. Social Network Analysis and Mining, 14(1), 94.

[5] Ashford, M., Cope, E., Abraham, A., & Poolton, J. (2025). Coaching player decision making in rugby union: Exploring coaches' espoused theories and theories-in-use as an indicator of effective coaching practice. Physical Education and Sport Pedagogy, 30(1), 28–49.


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