Introduction :
La perception de l'effort joue un rôle central dans l'engagement dans une activité physique régulière et contribue aux stratégies de régulation de l'intensité lors des performances d'endurance1.Certaines études suggèrent que cette perception provient exclusivement de mécanismes centraux, résultant de l'intégration d'une copie des commandes motrices (copie d'efférence) générée par le cortex prémoteur et traitée par le cortex somatosensoriel. Cependant, il a été démontré que les afférences issues des fuseaux neuromusculaires (FNM) contribuent également à la perception de l'effort. Lors d'une contraction volontaire, les motoneurones gamma activent les fibres intrafusales, lesquelles renvoient un signal via les réafférences fusoriales vers les aires sensorielles, modulant ainsi l'intensité perçue de l'effort. Ce mécanisme a notamment été mis en évidence dans des études utilisant des protocoles de vibration tendineuse pour atténuer les signaux provenant des FNM4. Dans ce contexte, la perception de l'effort était plus faible lors de contractions isométriques2 et lors d'exercice sur ergocycle3 à la suite de ces protocoles de vibration. Toutefois, les mécanismes par lesquels copie d'efférence et réafférences fusoriales interagissent dans la perception de l'effort restent mal compris. Cette étude vise à explorer ces interactions, en particulier dans les régions corticales sensorielles (S1), où ces signaux convergent. L'hypothèse est qu'une diminution de la perception de l'effort induite par vibration tendineuse s'accompagne d'une réduction de l'activité de ces zones corticales.
Méthode :
Vingt-quatre participants ont pris part à deux visites expérimentales, réalisées dans un ordre contrebalancé : l'une avec un protocole réel de vibration tendineuse appliquée au niveau du tendon patellaire (VIB), l'autre avec une vibration factice (SHAM). À chaque visite, les participants ont effectué une tâche de contractions volontaires des muscles extenseurs du genou droit, avant (PRE) et après (POST) un protocole de vibration de 10 minutes. Cette tâche consistait en la réalisation de 20 contractions de 4 secondes à 20% de la force maximale isométrique volontaire, avec 10 secondes de repos entre chaque. Les participants évaluaient leur perception de l'effort lors des première, dixième et vingtième contractions à l'aide d'une échelle visuelle analogique allant de 0 (aucun effort) à 100 (effort maximal). Lors de chaque visite, l'activité électrique corticale était enregistrée avec un système électroencéphalographique (EEG). Les données de perception de l'effort étaient analysées à l'aide d'ANOVAs à deux facteurs [Visite × temps (PRE vs. POST)]. Les analyses EEG portaient sur les perturbations spectrales associées aux contractions, au niveau de S1 et du cortex prémoteur.
Résultats :
En condition POST vibration, la perception de l'effort était plus faible sans changement pour la condition SHAM. Ces changements étaient associés à une plus grande synchronisation au niveau de la bande de fréquence bêta des électrodes surplombant S1 (C1, C3 et CZ), sans changement significatif au niveau des électrodes surplombant le cortex prémoteur (FC1 et FC3).
Discussion :
L'application prolongée de vibration tendineuse a effectivement induit une diminution de la perception de l'effort et était associée à une diminution de l'activité électrique corticale de S1 lors des contractions volontaires. Ces résultats pourraient s'expliquer par une moindre réponse des fuseaux neuromusculaires aux commandes gamma malgré une copie d'efférence d'intensité similaire.
Conclusion / Perspectives :
La diminution de l'activité électrique corticale au niveau de la zone d'interaction entre la copie d'efférence et les réafférences fusoriales laisse supposer que ces 2 signaux interagissent bel et bien et que cette diminution est due à une altération des réafférences fusoriales indépendamment de la copie d'efférence. La vibration apparaît comme un outil efficace pour réduire la perception de l'effort ; il serait donc pertinent d'en étudier les effets sur les comportements liés à la pratique de l'activité physique.
Références :
Cheval, B., & Boisgontier, M. P. (2021). The Theory of Effort Minimization in Physical Activity. Exercise and sport sciences reviews, 49(3), 168–178.
Monjo, F., Shemmell, J., & Forestier, N. (2018). The sensory origin of the sense of effort is context-dependent. Experimental brain research, 236(7), 1997–2008.
Marchand, F et al., (2025). Prolonged passive vibration of Achilles and patellar tendons decreases effort perception during subsequent cycling tasks. Journal of sport and health science (accepté).
Pope, Z. K., & DeFreitas, J. M. (2015). The effects of acute and prolonged muscle vibration on the function of the muscle spindle's reflex arc. Somatosensory & motor research, 32(4), 254–261.
PDF version