En français, le même mot ‘fatigue' est utilisé pour décrire deux phénomènes très différents : la fatigue aiguë/objective correspond à une faiblesse physique et/ou mentale passagère après un exercice, est directement dépendante de la tâche réalisée et son étiologie est relativement bien connue. Les causes de la seconde, subjective/perceptive, généralement mesurée à l'aide d'outils d'auto-évaluation et qui peut devenir chronique si cet état dure plus de 6 mois, sont moins facilement identifiables. La dernière présentation de ce symposium ‘Résister à la fatigue : l'art de maintenir ses capacités fonctionnelles dans le temps' portera sur la fatigue chronique. De cette fatigue chronique, on ne récupère pas malgré le repos et le sommeil. Elle a un impact marqué sur la qualité de vie, réduit la capacité à effectuer les activités de la vie quotidienne et a des conséquences socio-économiques graves, par exemple elle entrave au retour au travail.

La fatigue est aussi le symptôme dont se plaignent le plus souvent les patients atteints de maladies chroniques et peut durer très longtemps. Certaines personnes non malades peuvent aussi souffrir de fatigue chronique que l'on qualifiera alors de fatigue idiopathique. Nous reviendrons dans cet exposé sur la complexité de la fatigue chronique pour arriver à la conclusion selon laquelle, malgré sa forte prévalence et ses conséquences délétères, on ne sait que peu de choses sur l'étiologie de la fatigue. En outre, deux personnes avec la même sévérité de fatigue (e.g. le même score au Facit-F) peuvent avoir des raisons différentes d'être fatiguées.

 De nombreuses causes ont néanmoins été proposées pour expliquer la fatigue chronique. Elles englobent des aspects psychosociaux et comportementaux (e.g. les troubles du sommeil) et des origines biologiques (e.g. l'inflammation), hématologiques (e.g. l'anémie) et physiologiques. Parmi les causes potentielles de la fatigue chronique figure le rôle de l'altération de la résistance à la fatigue aiguë, c'est-à-dire une fatigabilité accrue pour un exercice donné, qui est liée au déconditionnement physique. Ainsi, notre équipe et d'autres groupes ont récemment mis en évidence des relations entre la fatigue chronique et la résistance à la fatigabilité, définie comme une détérioration anormale de la capacité fonctionnelle (force ou puissance maximale) pour un exercice donné. A condition toutefois que la fatigabilité objective soit mesurée de manière appropriée. En effet, dans la plupart des études sur les maladies chroniques, la fatigabilité objective est mesurée lors d'exercices fatigants isométriques sur une seule articulation, le plus souvent sur les membres supérieurs. Bien que ces études soient précieuses du point de vue de la science fondamentale, elles ne permettent pas de tester les patients dans des situations écologiques lorsque l'objectif est de rechercher un lien avec la fatigue chronique.

 Ce lien qui existe entre fatigue aigue (discutée dans les présentations précédentes du symposium) et fatigue chronique renforce le besoin impérieux de rester actif pour lutter contre la fatigue. C'est ce que l'on appelle parfois ‘traiter le mal par le mal' et il est admis qu'il s'agit d'un traitement de choix contre la fatigue chronique. Si le rôle de l'activité physique dans la fatigue fait consensus, il est désormais important de travailler sur le meilleur programme possible d'activité physique adaptée, ce programme devant être individualisé au patient (sa maladie, la sévérité et l'étiologie de sa fatigue, son âge, son sexe, ses capacités fonctionnelles, etc.).

 A travers un modèle basé sur le fonctionnement d'une chasse d'eau, nous évoquerons aussi dans cette présentation comment, en plus du déconditionnement physique, les conditions environnementales au sens large (chaleur, manque de sommeil) peuvent impacter la sensation de fatigue et contribuer à enfoncer les personnes dans ce que l'on nomme le cercle vicieux de la fatigue.

REFERENCES

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