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Modulation de l'inflammation intestinale par une intervention associant probiotiques, extraits végétaux et activité physique dans des modèles murins de maladie de Crohn
Fanny De Clercq  1, 2@  , Adeline Sivignon  2  , Charlotte Leclaire  2  , Annaëlle Couvert  1  , Sophie Holowacz  3  , Fanny Perrière  4  , Christelle Koechlin-Ramonatxo  5  , Bénédicte Goustard  6  , Eva Chatonnat  7  , Benoit Chassaing  7  , Vincent Martin  1  , Nathalie Boisseau  1  
1 : Laboratoire des Adaptations Métaboliques à l'Exercice en Conditions Physiologiques et Pathologiques
Université Clermont Auvergne, UFR Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives - Clermont-Auvergne
2 : Microbes, Intestin, Inflammation et Susceptibilité de l'Hôte
Université Clermont Auvergne, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)
3 : PiLeJe Laboratoire
PiLeJe Laboratoire
4 : Laboratoire Microorganismes : Génome et Environnement
Centre National de la Recherche Scientifique, Université Clermont Auvergne, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR6023, Université Clermont Auvergne : UMR6023
5 : Institut National de la Recherche Agronomique, INRA-UMR 866 - Dynamique Musculaire et Métabolisme
Université de Montpellier
6 : Institut National de la Recherche Agronomique, INRA-UMR 866 - Dynamique Musculaire et Métabolisme
Université de Montpellier
7 : Institut Pasteur- "Microbiome/Host Interactions"
Institut Pasteur de Paris, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM, Université Paris Cité

La maladie de Crohn (MC) est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin, qui touche actuellement environ 140 000 personnes en France et altère significativement leur qualité de vie. La muqueuse iléale des patients atteints de MC est anormalement colonisée par des bactéries Escherichia coli adhérents/invasifs (AIEC). À ce jour, aucun traitement curatif n'est disponible, soulignant l'importance de concevoir des stratégies thérapeutiques innovantes ciblant directement le microbiote intestinal, et plus spécifiquement les bactéries AIEC.

Dans un premier temps, ce travail visait à cribler in vitro dix-sept souches probiotiques (lactobacilles et bifidobactéries) et trois extraits végétaux (thé vert, noyer et réglisse), afin d'évaluer leurs effets d'anti-virulence contre les bactéries AIEC. Les composés les plus efficaces ont ensuite été testés individuellement puis en association dans un modèle murin de colite induite par le dextran sodium sulfate (DSS) avec infection par des bactéries AIEC. Les essais in vitro ont permis d'identifier sept souches probiotiques possédant des propriétés anti-inflammatoires et/ou anti-adhésives envers les bactéries AIEC, tandis que les extraits végétaux ont significativement inhibé la croissance de la souche AIEC LF82. Lors des expérimentations in vivo, deux souches de lactobacilles, une souche de bifidobactérie, ainsi que les extraits de thé vert et de noyer ont chacun démontré une réduction significative de l'inflammation intestinale et de la colonisation bactérienne. L'association regroupant deux souches de lactobacilles et l'extrait de noyer a présenté les effets protecteurs les plus marqués, réduisant significativement le score de colite et éliminant les bactéries AIEC chez 50 % des souris traitées.

Cette association a ensuite été évaluée dans un modèle expérimental incluant la pratique d'une activité physique (AP) spontanée, afin d'examiner les interactions potentielles entre la prise en charge nutritionnelle et l'exercice physique sur l'inflammation intestinale. Des souris mâles C57BL/6 ont été soumises à un régime standard ou hyperlipidique (high-fat diet, HFD) pendant 11 semaines afin d'induire une obésité. À l'issue de cette période, les souris HFD ont été réparties en quatre groupes en fonction de la pratique d'une AP spontanée (accès libre à une roue d'exercice ou roue bloquée) et de la prise ou non de l'association probiotiques/extraits, administrée par gavage pendant 5 semaines. Une colite modérée a été induite durant les deux dernières semaines de complémentation par l'ajout de DSS dans l'eau de boisson associé ou non à une infection par des bactéries AIEC.

Les souris actives ont présenté une dépense énergétique supérieure, une prise de poids significativement inférieure, ainsi qu'une augmentation de la masse musculaire (soleus et gastrocnemius). Les souris infectées par les bactéries AIEC présentaient une masse du tibialis anterior ainsi qu'un moment isométrique de flexion plantaire significativement inférieurs aux souris non infectées, indépendamment de l'AP et de la complémentation, laissant supposer une interaction jusque là inconnue entre ces bactéries et la fonction neuro-musculaire. En revanche, aucun effet significatif de l'AP, de l'association probiotiques/extrait, ni de leur interaction n'a été observé sur les symptômes de colite, les marqueurs d'inflammation intestinale (concentration de lipocaline-2 fécale), et sur les concentrations fécales en acides gras à chaîne courte (AGCC). Par contre, les premières analyses de composition du microbiote intestinal révèlent que les souris actives présentent une abondance accrue de bactéries productrices d'acides gras à chaîne courte (AGCC), notamment la famille des Muribaculaceae ainsi que les genres Odoribacter et Lawsonibacter. Ce dernier est particulièrement augmenté chez les souris actives recevant l'association probiotiques/extrait.

En conclusion, cette étude souligne le potentiel thérapeutique de certaines souches probiotiques et extraits végétaux pour réduire l'inflammation intestinale et la colonisation par les bactéries AIEC dans un modèle murin de colite. En revanche, l'intégration d'un modèle associant obésité et activité physique spontanée n'a pas permis de confirmer ces effets protecteurs sur les marqueurs de colite et d'inflammation intestinale. Malgré cela, des bénéfices notables ont été observés sur la composition corporelle ainsi que sur la modulation du microbiote intestinal, avec une augmentation significative des bactéries productrices d'AGCC chez les souris actives. Les analyses complémentaires en cours sur la perméabilité intestinale et les marqueurs d'inflammation permettront d'éclairer davantage les interactions complexes entre nutrition, exercice physique et inflammation intestinale. Ces résultats ouvrent des perspectives prometteuses pour le développement de stratégies combinées, ciblant simultanément le microbiote intestinal et le métabolisme énergétique, dans le cadre de la prise en charge thérapeutique de la maladie de Crohn.


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