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Peut-on mesurer le travail en équipe à l'aide de la synchronie inter-cerveaux ? Une étude en hyperscanning fNIRS.
Coralie Réveillé  1@  , Grégoire Vergotte  1  , Gérard Dray  1  , Pierre-Antoine Jean  1  , Pierre Jean  1  , Stéphane Perrey  1  , Grégoire Bosselut  1  
1 : EuroMov Digital Health in Motion
IMT Mines Ales, Université de Montpellier, Université de Montpellier, IMT Mines Alès

Introduction
Le travail en équipe est une interaction sociale au cours de laquelle des individus collaborent afin d'atteindre un objectif commun. Dans le contexte sportif comme dans le domaine organisationnel, le travail en équipe n'est pas un phénomène statique. Au contraire, il évolue au fil du temps, s'adapte aux exigences de la tâche, et peut être perturbé par la survenue d'un événement. Par exemple, lorsque la charge de travail augmente, la communication de l'équipe tend à diminuer afin de permettre aux coéquipiers de préserver leurs ressources cognitives pour exécuter leur tâche (e.g. Grote et al., 2010).
Récemment, la synchronie inter-cerveaux (SIC) – le degré de similarité entre les activités cérébrales d'individus en interaction sociale – a été proposée comme une mesure possible du travail en équipe (par ex. Stevens et al., 2010). Pour tester cette hypothèse, il est nécessaire de vérifier si la SIC est modifiée lorsque le travail en équipe est perturbé.
L'objectif de cette étude est donc d'évaluer l'effet d'une perturbation, sous forme d'une augmentation de la difficulté de la tâche, sur la synchronie inter-cerveaux.

Méthode
Quarante-neuf dyades (98 participants) ont réalisé une tâche collaborative de navigation spatiale sur ordinateur, d'une durée de 20 minutes, impliquant un échange verbal entre un "Guide" et un "Dessinateur". Elles ont été réparties en deux groupes : dans le groupe expérimental, une perturbation survenait après 10 minutes, consistant en la disparition des repères visuels qui facilitaient la réalisation de la tâche ; dans le groupe contrôle, la tâche se poursuivait dans des conditions normales.
L'activité cérébrale a été enregistrée dans six régions cérébrales réparties sur le cortex préfrontal et de la jonction temporo-pariétale à l'aide de la méthode d'hyperscanning en spectroscopie fonctionnelle dans le proche infrarouge (fNIRS). Trois métriques de la SIC ont été analysées avant et après la perturbation : le niveau moyen, la trajectoire temporelle (pente) et la régularité temporelle (%DET). La performance des équipes, la difficulté perçue, et la communication (ratio de temps de parole) ont également été mesurées.
Des analyses de contrôle ont été menées pour vérifier (i) que la SIC apparaissait bien au sein des équipes ; (ii) que la perturbation avait été efficace, puisque qu'elle avait induit une baisse de performance, une augmentation de la difficulté perçue, et un changement dans la communication des dyades expérimentales.
L'effet de la perturbation sur les trois métriques de la SIC a ensuite été analysé à l'aide de modèles linéaires à effets mixtes, incluant comme effet principal l'interaction entre le Groupe (Contrôle/Expérimental) et le Temps (avant/après), et comme effet aléatoire les six régions cérébrales imbriquées dans les dyades.

Résultats
Les analyses de contrôle confirment que la manipulation expérimentale a fonctionné : (i) la SIC est bien apparue au cours de la tâche ; (ii) la perturbation a modifié la performance, la difficulté perçue et la communication. Cependant, aucune des trois métriques d'IBS ne s'est trouvée modifiée après la perturbation dans le groupe expérimental.

Discussion
Ces résultats suggèrent que la SIC, bien qu'observée au sein des équipes, n'a pas été modifiée par la perturbation dans cette étude.
Il est donc possible que la SIC soit un phénomène neurophysiologique collectif relativement stable, qui ne reflète pas les adaptations du travail en équipe, mais plutôt le fait que les participants aient continué à collaborer malgré la difficulté accrue. Dans ce cas, son utilisation comme mesure du fonctionnement en équipe pourrait être limitée.
Il est tout aussi probable que la SIC ait été affectée, mais que la méthodologie employée dans cette étude n'ait pas permis de le mettre en évidence. Des recherches futures, explorant d'autres régions cérébrales et/ou recourant à des analyses d'IBS directionnelles (par ex. la causalité de Granger), sont nécessaires pour clarifier cette question (Hamilton, 2021).

 

Bibliographie

Grote, G., Kolbe, M., Zala-Mezö, E., Bienefeld-Seall, N., & Künzle, B. (2010). Adaptive coordination and heedfulness make better cockpit crews. Ergonomics, 53(2), 211–228.

Hamilton, A. F. D. C. (2021). Hyperscanning: Beyond the Hype. Neuron, 109(3), 404–407.

Stevens, R. H., Galloway, T. L., Berka, C., & Behneman, A. (2010). Temporal Sequences of Neurophysiologic Synchronies can Identify Changes in Team Cognition. Th ANNUAL MEETING.


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