Introduction : La commotion cérébrale (CC) représenterait 3 à 10% de l'ensemble des atteintes répertoriées au Rugby (Kaux et al., 2015) et son taux d'incidence pourrait s'élever à 21,5 occurrences/1000 matchs joués (Rafferty et al., 2019). A la lumière d'études épidémiologiques, une faible résistance isométrique en extension du cou et une proprioception cervicale limitée représenteraient des facteurs de risques intrinsèques modifiables. Aussi, une faible circonférence cervicale serait significativement associée à un risque accru de CC (Collins et al., 2014). Ainsi, diverses études ont investigué l'efficacité d'une intervention spécifique de renforcement des muscles du cou, sans que celles-ci ne rapportent de résultats évidents en termes d'amélioration de la force et de réduction du risque de CC. Les protocoles se composaient en majorité de travail isométrique, proposés sur des durées variables (de 5 semaines à 1 saison). Enfin, les effets étaient majoritairement évalués sous le prisme de la production de force maximale isométrique, sans information sur le taux de montée en force (RFD), pourtant déterminant dans le contrôle des mouvements de la tête observés au cours d'un impact. L'objectif du présent travail était donc d'étudier les effets d'un protocole de renforcement multimodal des muscles cervicaux de 30 semaines sur les niveaux de force isométrique et les RFD d'une population de joueurs de rugby non-professionnels et leurs liens avec le risque de CC.
Méthodes : Vingt-sept joueurs de Rugby séniors issus de 2 clubs évoluant en Fédéral 3 (Angers - SCO et Auray - PARC) ont été recrutés. Les joueurs du PARC (n=12) ont bénéficié d'un protocole interventionnel multimodal (travail isométrique, concentrique et excentrique) de renforcement des muscles du cou. L'effectif du SCO (n=13) constituait le groupe contrôle. 3 temps d'évaluation (pré, mi et post-programme) ont permis de relever divers indicateurs : les données de force musculaire (isométrique maximale - Fmax, ratios de force et RFD) des muscles fléchisseurs, extenseurs et fléchisseurs latéraux du cou au moyen d'un dynamomètre électronique (K-PUSH, KINVENT, France) ainsi que la circonférence du cou. A l'aide du logiciel R, différentes analyses ont été conduites : des modèles linéaires mixtes ont été utilisé pour étudier les effets du protocole sur les données de force musculaire, un test de Wilcoxon a permis d'investiguer l'évolution de la circonférence du cou et l'influence de l'intervention sur le risque commotionnel a été objectivé à l'aide du risque relatif (RR).
Résultats : Concernant les données de force musculaire, les modèles rapportent un effet significatif du protocole uniquement sur la Fmax en latéroflexion gauche sur le RFD en latéroflexion droite. La circonférence du cou a été augmentée significativement pour le groupe expérimental uniquement (+1,13%, p=0,0178). Concernant le risque commotionnel, les taux d'incidence post-programmes des groupe SCO et PARC étaient respectivement de 0,33 et 0,2, impliquant un risque relatif de commotion 1,65 fois plus élevé pour le groupe contrôle (SCO).
Discussion : A l'instar de travaux antérieurs, cette étude ne permet pas de conclure avec certitude sur l'intérêt d'un protocole de renforcement des muscles du cou sur les valeurs de production de force isométrique et le risque commotionnel. En revanche, elle a permis d'explorer l'intérêt possible de nouvelles variables, notamment le RFD.
Conclusion et perspectives : Des études complémentaires devraient être envisagées pour correctement statuer sur l'effet de l'entrainement des muscles cervicaux sur le risque commotionnel. Au regard des dernières publications scientifiques, il apparait que celui-ci soit influencé par de multiples facteurs, notamment autres que musculaires.
Références :
Collins, C. L., Fletcher, E. N., Fields, S. K., Kluchurosky, L., Rohrkemper, M. K., Comstock, R. D., & Cantu, R. C. (2014). Neck strength : A protective factor reducing risk for concussion in high school sports. The Journal of Primary Prevention, 35(5), 309-319. https://doi.org/10.1007/s10935-014-0355-2
Kaux, J.-F., Julia, M., Delvaux, F., Croisier, J.-L., Forthomme, B., Monnot, D., Chupin, M., Crielaard, J.-M., Goff, C. L., Durez, P., Ernst, P., Guns, S., & Laly, A. (2015). Epidemiological Review of Injuries in Rugby Union. Sports, 3(1), Article 1. https://doi.org/10.3390/sports3010021
Rafferty, J., Ranson, C., Oatley, G., Mostafa, M., Mathema, P., Crick, T., & Moore, I. S. (2019). On average, a professional rugby union player is more likely than not to sustain a concussion after 25 matches. British Journal of Sports Medicine, 53(15), 969–973. https://doi.org/10.1136/bjsports-2017-098417
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