Introduction :
L'entraînement en altitude selon le modèle "Vivre en altitude, s'entraîner en altitude" (Live High Train High, LHTH) stimule la réponse érythropoïétique et peut augmenter la masse totale d'hémoglobine (Hbmass). Cependant, cette réponse n'est pas systématiquement observée. Plusieurs facteurs, tels que la charge d'entraînement, les expositions environnementales antérieures (chaleur, hypoxie), la variabilité interindividuelle ou encore la période de la saison, peuvent influencer cette réponse. Cette étude vise à évaluer les effets hématologiques d'un stage en altitude chez des athlètes de haut niveau.
Méthodes :
Des triathlètes élites (n=9, dont 2 femmes) ont réalisé un stage de trois semaines en altitude (1850 m), avec en complément une exposition nocturne dans une chambre hypoxique (2299 ± 204 m). Conformément à la classification des participants proposée par McKay et al. (2021), tous les athlètes étaient de niveau international (Tier 4) ou mondial (Tier 5). Des prélèvements sanguins ont été effectués avant (Pré) et après (Post) le stage en altitude afin d'évaluer le pourcentage de réticulocytes (%Ret) par marquage au thiazole orange, les cellules érythroïdes CD71 positives (CD71, % ; incluant réticulocytes et érythroblastes), l'hématocrite (Hct, %) et la concentration en hémoglobine ([Hb], g/dL). Le volume plasmatique (VP, mL) et Hbmass (g) ont été mesurés par la méthode de ré-inhalation au monoxyde de carbone. La charge d'entraînement (méthode de Foster) et la dose hypoxique (km.h) ont été quantifiées. Des tests t appariés ou tests de Wilcoxon ont été utilisés pour comparer les valeurs Pré et Post.
Résultats :
A l'issue du stage en altitude, le VP a significativement diminué (-734,9 mL ; p < 0,05), tandis que l'Hct (+5,0 %) et la [Hb] (+1,5 g/dL) ont significativement augmenté (p < 0,05). Toutefois, Hbmass est restée inchangée (Pré = 1028 ± 168 g ; Post = 1029 ± 173 g ; p = 0,944). Le %Ret a montré une tendance à l'augmentation (+0,22 % ; p = 0,062), suggérant une activité érythropoïétique en cours, soutenue par une augmentation de CD71 (Pré = 0,18 ± 0,13 % ; Post = 0,71 ± 0,40 % ; p < 0,05). Enfin, la charge d'entraînement n'était pas significativement différente entre les 3 semaines précédant le stage en altitude (13293 ± 4200) et la période en altitude (15672 ± 2839) (p = 0,965).
Discussion :
Malgré un stimulus hypoxique important (dose hypoxique = 1043 ± 39 km.h), aucune augmentation de Hbmass n'a été observée après le stage en altitude. Ce stage était planifié entre deux périodes de compétition et les athlètes présentaient déjà des valeurs de Hbmass élevées au départ, ce qui pourrait avoir limité les gains potentiels. Ce résultat inattendu, survenant malgré une activité érythropoïétique en cours, pourrait également s'expliquer par une expansion préalable du VP due à une potentielle acclimatation à la chaleur dans les semaines précédant l'exposition à l'altitude. En effet, au cours des 3 semaines précédant l'exposition en altitude, les températures étaient significativement plus élevées (26,3 ± 2,4 °C contre 20,5 ± 0,0 °C pendant le stage en altitude ; p < 0,05). Cette hypothèse est également soutenue par un VP toujours significativement inférieur (p < 0.05) 15 jours après le retour au NLM (3938 ± 468 mL) comparé à celui mesuré l'arrivée en altitude (4358 ± 538 mL). Cela suggère que le VP était initialement élevé, possiblement en raison d'une hypervolémie induite par la chaleur, ce qui aurait masqué ou limité toute augmentation détectable de Hbmass en réponse à l'hypoxie.
Conclusion :
Malgré un stimulus hypoxique typique, aucune amélioration significative de Hbmass n'a été observée chez les triathlètes élites après un stage en altitude de trois semaines. L'exposition préalable à la chaleur ainsi que le contexte saisonnier ont pu influencer la réponse hématologique, et ces facteurs devraient être pris en compte lors de la planification de protocoles d'entraînement en altitude.
Références :
McKay, A. K. A., Stellingwerff, T., Smith, E. S., Martin, D. T., Mujika, I., Goosey-Tolfrey, V. L., Sheppard, J., & Burke, L. M. (2022). Defining Training and Performance Caliber : A Participant Classification Framework. International Journal of Sports Physiology and Performance, 17(2), 317‑331. https://doi.org/10.1123/ijspp.2021-0451
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