beandeau>
Effet de la simple coprésence d'un pair sur la force de préhension : mécanismes neurophysiologiques, déterminants neuropsychologiques et rôle des facteurs sociaux
Louane Barbot  1  , Anaïs Bernois  1  , Aroha Boutin  1  , Mélody Blais  2  , Lise Charissou  3  , David Amarantini  1@  
1 : ToNIC, UMR 1214
Université de Toulouse Paul Sabatier, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM
2 : EuroMov DHM, UR UM 102
Université Montpellier I
3 : CreSco, URU 7419
Université de Toulouse Paul Sabatier

Introduction : Le contexte social, notamment la coprésence d'autres personnes, influence le comportement moteur des individus (Schmitt et al., 1986). Alors que la littérature tend à parler de facilitation sociale, c'est-à-dire d'une amélioration de la performance en présence d'un pair ou d'un non-pair par rapport au fait d'être seul, la coprésence induit plus généralement une réactivité sociale. Cette dernière se manifeste par une facilitation ou une inhibition de la performance (Mnif et al., 2022). Bien qu'il fasse consensus dans la littérature scientifique que la présence passive d'un pair induit une réactivité sociale de la performance motrice, les mécanismes et les déterminants sous-jacents restent encore largement à explorer. Une compréhension approfondie de ces aspects pourrait s'avérer précieuse pour optimiser l'efficacité des interventions dans les domaines de l'entraînement et de la réadaptation. Dans cette perspective, l'objectif de cette étude est d'explorer comment la simple coprésence passive d'un pair influence la performance lors d'une tâche de préhension, ainsi que les mécanismes neurophysiologiques associés, en tenant compte du profil cognitif et de la trajectoire sociale des individus.

Méthode : 19 adultes sains (8 femmes et 11 hommes), étudiants âgés de 18 à 25 ans ont participé à l'étude. A la suite d'une évaluation neuropsychologique de leurs fonctions exécutives (tests : Trail Making Test ; N-Back et Continuous Performance Test) et d'un entretien sociologique de type « récit de vie », les participants ont réalisé des contractions volontaires de préhension à 35, 70 et 100 % de leur force maximale dans deux conditions contrebalancées : seuls et en situation de coprésence passive. Cette dernière a été réalisée par un pair de même sexe n'ayant aucun lien connu avec le participant. Le pair ne devait faire aucun commentaire, ni interagir avec le participant réalisant la performance motrice, tout en respectant une attitude de neutralité. La force de préhension, l'activité électromyographique des principaux muscles extenseurs et fléchisseurs de l'avant-bras, l'activité électroencéphalographique et la fréquence cardiaque ont été enregistrées simultanément.

Résultats : L'analyse statistique montre un effet significatif de la coprésence sur l'intensité de la force de préhension produite lors des contractions maximales, avec une grande taille d'effet (t = 3,58, p-value = 0,002, d de Cohen = 0,821) : la force maximale de préhension diminue de 14,94 ± 11,43 % en condition de coprésence par rapport à sans coprésence. L'analyse statistique révèle également que la coprésence entraine une diminution significative de l'activité musculaire de trois des quatre muscles de l'avant-bras lors de la réalisation des contractions maximales (p < 0,05). Alors que les analyses électroencéphalographiques permettront d'établir si les processus attentionnels sont impliqués de manière plus ou moins importante en situation de coprésence par rapport à sans coprésence, nos résultats préliminaires ne montrent pas d'implication directe des fonctions exécutives sur l'altération de la performance motrice en condition de coprésence. A l'inverse, ils suggèrent que les facteurs sociaux pourraient avoir un rôle médiateur dans la réactivité sociale de la performance.

Discussion / Conclusion : Nos résultats apportent des preuves expérimentales nouvelles témoignant que la simple coprésence passive d'un pair induit une altération de la capacité de force maximale lors d'une tâche de préhension chez de jeunes adultes sains. Cette modulation est accompagnée de celle de l'activité électromyographique des muscles impliqués lors de la tâche, mettant pour la première fois en évidence que la simple coprésence d'un pair entraîne une modification des mécanismes impliqués dans la régulation de la coordination motrice. Cette étude approfondira notre compréhension des mécanismes neurophysiologiques et des déterminants neuropsychologiques impliqués dans la réactivité sociale de la performance motrice. Elle permettra aussi d'explorer de manière innovante comment les trajectoires différentielles (rapport au corps, à autrui, à la performance...) peuvent expliquer l'effet facilitateur ou inhibiteur de la réactivité sociale. L'ensemble de ces résultats ouvriront la voie à une application translationnelle, pour tirer parti de la coprésence dans le but d'améliorer l'efficacité des interventions dans les domaines de l'entrainement et de la réadaptation.

Références :

Mnif, M., Chikh, S., & Jarraya, M. (2022). Effect of Social Context on Cognitive and Motor Behavior : A Systematic Review. Journal of Motor Behavior, 54(5), 631‑647. doi:10.1080/00222895.2022.2060928

Schmitt, B. H., Gilovich, T., Goore, N., & Joseph, L. (1986). Mere presence and social facilitation : One more time. Journal of Experimental Social Psychology, 22(3), 242‑248. doi:10.1016/0022-1031(86)90027-2


Chargement... Chargement...