INTRODUCTION
La fatigue neuromusculaire, caractérisée par une diminution progressive de la capacité du muscle à produire de la force, résulte de mécanismes d'origine périphérique et/ou centrale (Behrens et al., 2023). Deux paramètres issus de la relation force/temps mesurée au cours d'une série d'exercices maximaux de durée comprise entre 3 et 20 minutes, la force critique (FCrit) et l'aire sous la courbe située au-dessus de FCrit (W'), permettent de quantifier la tolérance d'un groupe musculaire à un exercice lorsqu'il est réalisé jusqu'à épuisement (Burnley et al., 2012). Il est bien établi que la longueur musculaire influence la production de force et le développement de la fatigue. Cependant, son impact spécifique sur FCrit et W', déterminants de la performance d'un groupe musculaire lors d'un effort intense, demeure peu documenté, en particulier au niveau des ischio-jambiers. L'objectif de cette étude était donc de déterminer l'effet de la longueur musculaire des ischio-jambiers sur les paramètres de la relation force/temps, ainsi que sur l'étiologie de la fatigue neuromusculaire, au cours et après un protocole isométrique intermittent maximal prolongé.
METHODOLOGIE
Douze hommes (âge : 25 ± 4 ans ; taille : 179 ± 5 cm ; poids : 79 ± 12 kg) ont participé à deux sessions expérimentales. Lors de chaque session, les participants ont effectué un protocole de fatigue composé de cinq séries de dix contractions maximales volontaires isométriques (CMVi) des muscles ischio-jambiers de 3s entrecoupées de 2s de récupération et réalisées à deux longueurs musculaires distinctes : grande (GL) et courte (CL). La fonction neuromusculaire a été évaluée avant (PRE), pendant (SET1 à SET4) et de l'arrêt de l'exercice jusqu'à 15 min post-exercice (POST à POST15). Les réponses de force évoquées par des stimulations électriques à haute (T100) et basse (T10) fréquences ont été enregistrées, et le niveau d'activation volontaire (NAV) a été estimé à l'aide de la technique de la secousse interpolée. FCrit a été calculée comme étant la moyenne des forces maximales des six dernières CMVi et W' comme la somme des aires situées au-dessus de la FCrit pour chaque CMVi. L'ensemble des données a été analysé à l'aide de modèles linéaires mixtes.
RESULTATS
Les résultats montrent que la FCrit était similaire entre les deux conditions (GL : 84,2 ± 22,4 N.m ; CL : 81,0 ± 22,1 N.m ; p = 0,65). Mais, W' était significativement plus élevée à GL (3080 ± 1322 N.m²) qu'à CL (1909 ± 1109 N.m² ; p < 0,001). Une diminution significative (p < 0,001) de la force développée lors des CMVi répétées, ainsi qu'une baisse des valeurs de T100 et de NAV au cours du protocole de fatigue, ont été observées, indépendamment de la longueur musculaire. Concernant la récupération, la force développée lors des CMVi s'est rétablie plus rapidement à GL, avec une amélioration observable dès 30 secondes post-exercice, tandis qu'à CL, une récupération significative n'a été observée qu'à POST15. Si une récupération précoce du NAV a été constatée, T100 et T10 ne semble pas récupérés même après les 15 minutes post-exercice.
DISCUSSION
Contrairement aux précédents résultats rapportés pour les muscles extenseurs du genou, la longueur musculaire des ischio-jambiers n'a pas influencé le développement ni l'origine de la fatigue neuromusculaire, ce qui semble indiquer que l'impact de la longueur musculaire sur la fatigue pourrait être spécifique au groupe musculaire étudié. L'absence de différence de FCrit entre les conditions suggère que FCrit représenterait un niveau de force absolu soutenable, indépendant de la longueur musculaire. Toutefois, W' s'est avéré significativement plus élevé à GL, traduisant une plus grande capacité de production de force dans la zone d'intensité sévère, probablement liée à une meilleure efficience mécanique. De plus, la récupération plus rapide observée à GL pourrait s'expliquer par une restitution élastique passive plus efficace du complexe muscle-tendon.
CONCLUSION
La longueur musculaire des ischio-jambiers module la capacité de travail au-dessus de la force critique ainsi que la cinétique de récupération post-exercice, sans toutefois affecter significativement la dynamique de développement et l'origine de la fatigue neuromusculaire.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Behrens, et al. (2023). Sports Medicine, 53, 7–31.
Burnley, et al. (2012). J Applied Physiol, 113(2), 215–223.
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