Contexte : L'exposition à un environnement chaud est souvent associée à une perturbation des fonctions cognitives. Néanmoins, l'analyse individuelle des études sur le sujet montre une grande variabilité des résultats en fonction de la température étudiée et des fonctions cognitives testées. Face à ces divergences, une méta-analyse a été entreprise afin de quantifier l'effet global de la chaleur sur la cognition et d'identifier les conditions dans lesquelles cet effet se manifeste le plus.
Méthodologie : Une recherche bibliographique sur 4 bases de données (Cochrane, Scholar, Pubmed, et Embase) a permis d'identifier 71 études expérimentales répondant aux critères d'inclusion, chacune d'elles compare une condition d'exposition à la chaleur (passive ou active) à une condition contrôle thermoneutre, avec des mesures de la performance cognitive pendant ou après l'exposition. L'analyse a utilisé un modèle à effets aléatoires et la taille d'effet standardisée (g de Hedges) pour estimer la différence de performance entre conditions. Plusieurs modérateurs potentiels ont été examinés : le sexe des participants, la température d'exposition, l'humidité relative, la durée d'exposition, le type de fonction cognitive testé, ainsi que le type de variable dépendante mesurée.
Résultats : La méta-analyse indique une détérioration significative des performances cognitives en condition chaude par rapport à une condition thermoneutre. La taille d'effet globale (g de Hedges) s'élève à -0,24 (SE = 0,03 ; IC 95% [-0,29 ; -0,18] ; z = -9,03 ; p < 0,001) avec une hétérogénéité modérée des résultats (I² = 41%) suggérant que l'impact de la chaleur varie selon les modérateurs. L'effet du stress thermique sur les performances cognitives varie selon la température. Une diminution significative est observée à partir de 30°C (g = -0.224 à -0.323, p < 0.001), avec un impact plus prononcé à des températures d'exposition plus élevées. Les tâches exécutives (g = -0.254, p < 0.001) et non exécutives (g = -0.201, p < 0.001) sont toutes deux affectées, mais les fonctions cognitives les plus affectées sont des fonctions exécutives tels que la mémoire de travail (g = -0.344, p < 0.001), l'inhibition (g = -0.316, p < 0.001) et le raisonnement (g = -0.236, p < 0.001), tandis que l'attention (g = 0.102, p = 0.211) et la vitesse de traitement (g = -0.073, p = 0.280) sont moins impactées. Parmi les variables dépendantes, le score composite (g = -0.316, p < 0.001) et le temps de réalisation (g = -0.368, p = 0.026) montrent les plus fortes détériorations. La durée d'exposition au stress thermique influence également significativement l'ampleur de la détérioration des performances cognitives. Les résultats montrent que pour des expositions inférieures ou égales à 60 minutes, l'effet est faible (g = -0.191, p < 0.001). Cependant, pour des durées prolongées, notamment supérieures à 300 minutes, la diminution des performances est nettement plus marquée (g = -0.564, p < 0.001). Cette tendance est également observée dans les catégories intermédiaires, avec des effets croissants pour des durées de 60 à 120 minutes (g = -0.224, p < 0.001), 120 à 180 minutes (g = -0.281, p < 0.001) et de 180 à 240 minutes (g = -0.352, p = 0.008). Par sexe, les hommes (g = -0.299, p < 0.001) et les groupes mixtes (g = -0.164, p < 0.001) montrent une détérioration significative, contrairement aux femmes (g = -1.868, p = 0.186), bien que leur effet soit moins fiable en raison d'une grande variabilité et peu de données disponibles.
Conclusion et perspectives : Cette méta-analyse intégrant 71 études confirme qu'une exposition à la chaleur a un effet délétère significatif sur la performance cognitive humaine, avec un effet plus prononcé sur les fonctions complexes, telles que les fonctions exécutives. Ces résultats soulignent l'importance de considérer le facteur thermique dans les situations professionnelles (par exemple pour les travailleurs en milieux chauds) et dans le contexte du réchauffement climatique. Des recherches futures devront affiner la compréhension des mécanismes sous-jacents et évaluer l'efficacité de stratégies d'atténuation (acclimatation, pauses régulières dans un environnement frais, hydratation) afin de préserver la cognition en ambiance chaude.
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