Une grande partie de la littérature sur l'effort affirme que l'effort est perçu comme une aversion (au sens de déplaisant), ce qui conduirait les individus à éviter de fournir un effort ou à choisir les moyens les moins exigeants pour atteindre le même objectif (Shenhav et al., 2017; Botvinick & Braver, 2015; Inzlicht et al., 214). Toutefois, cette assertion ne concorde pas avec le contexte sportif dans la mesure où si les sportifs étaient si réticents à investir de l'effort, les records ne seraient pas battus et les stades ne seraient pas plein de supporters prêts à en découdre. En effet, ce principe du moindre effort (Hull, 1943) ou principe de minimisation de l'effort n'implique pas l'aversion : le coût de l'effort suffit. Comprendre la nature de l'effort est donc crucial. L'effort est un élément central dans le domaine du sport, car il permet de progresser, d'améliorer les performances, et de se dépasser. Il développe la discipline, et la force mentale, qualités indispensables pour surmonter les défis et atteindre ses objectifs. Par ailleurs, l'engagement dans l'effort développe des valeurs humaines essentielles telles que le la persévérance, tout en procurant une grande satisfaction personnelle. Si l'effort est perçu comme un coût (plutôt qu'une aversion), il s'ensuit que les individus n'évitent pas l'effort en lui-même. Ils cherchent plutôt à éviter le gaspillage d'effort. Supposer que les individus évitent le gaspillage d'effort plutôt que l'effort lui-même peut permettre de mieux comprendre comment, quand et pourquoi ils fournissent des efforts, y compris des efforts très importants comme ceux que les athlètes de haut niveau sont capables de consentir, malgré parfois la douleur.
A ce propos, la douleur doit être considérée comme un coût supplémentaire qui s'ajoute au coût de l'effort. Ainsi, quelle que soit la nature de la douleur, il est possible d'observer des effets de compensation ou un arrêt du déploiement de l'effort. L'arrêt de l'effort signifie que l'effort est devenu aversif et que poursuivre la tâche malgré la douleur ne permettra pas d'atteindre l'objectif escompté. Le sportif évitera donc de dépenser inutilement l'effort. La mise en place de stratégies de compensation, en revanche, signifie que l'objectif est toujours atteignable et que le déploiement de l'effort est supportable et justifié, malgré le coût additionnel de la douleur. Comprendre les facteurs influençant l'engagement dans l'effort peut aider les athlètes à s'engager plus efficacement. Se concentrer sur la prévention du gaspillage d'effort dissipe le paradoxe apparent selon lequel les sportifs sont capables de déployer des efforts importants, voire extrêmes, même dans des situations ou la ou les douleurs dominent. Il s'agirait peut-être d'évoquer un “Principe du moindre coût” plutôt qu'un “Principe du moindre effort”.
Références
Botvinick, M., & Braver, T. (2015). Motivation and cognitive control: from behavior to neural mechanism. Annual Review of Psychology, 66, 83-113.
Hull, C. (1943). Principles of behavior. Appleton-Century.
Inzlicht, M., Schmeichel, B., & Macrae, C. (2014). Why self-control seems (but may not be) limited. Trends in Cognitive Sciences, 18(3), 127–133.
Shenhav, A., Musslick, S., Lieder, F., Kool, W., Griffiths, T., Cohen, J., et al. (2017). Toward a rational and mechanistic account of mental effort. Annual Review of Neuroscience, 40, 99–124.
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