Introduction
Les commotions cérébrales peuvent engendrer des altérations neuromotrices subtiles affectant le contrôle postural (Guskiewicz & Mihalik, 2011). Les méthodes classiques basées sur l'analyse globale du centre de pression (COP) ne permettent pas de pouvoir retranscrire l'ensemble des mécanismes utilisés pour l'équilibre postural et donc celle-ci peut être insuffisante pour en détecter des effets persistants. En décomposant le centre de pression net (COP) en deux mécanismes distincts traduisant 1) le chargement constant (COPc) du poids du corps et 2) le chargement variable (COPv) permettant le transfert du poids d'une jambe à l'autre, il est possible d'identifier plus finement les ajustements moteurs sous-jacents (Winter et al., 1993). Cette étude vise à comparer l'amplitude des oscillations (RMS) du COPnet, COPc et COPv entre des athlètes anciennement commotionnés et un groupe contrôle, avec une perturbation visuelle (ouvert et fermé).
Méthode
Deux bases de données ont été utilisées : un groupe expérimental composé de 41 athlètes anciennement commotionnés (âge : 43 ± 13 ans) dans le cadre du protocole du laboratoire De Beaumont (2024), et un groupe contrôle de 29 sujets extraits de la base de données publique de Dos Santos et al. (2017) (âge : 40 ± 15 ans). Les groupes sont appariés par rapport à l'âge, le poids constitue une covariable prise en compte au sein de l'étude. Les participants ont réalisé une tâche de « quiet standing » sur sol rigide, yeux ouverts puis yeux fermés. Les signaux de COP ont été enregistrés à 100 Hz à l'aide de plateformes de force. Les composantes COPnet, COPc et COPv ont été extraites et calculées dans les directions antéro-postérieure (AP) et médio-latérale (ML). Un test ANOVA mixte 2 (groupe) x 2 (vision) a été appliqué pour chaque variable.
Résultats
L'analyse révèle une instabilité posturale significativement accrue chez les participants commotionnés, particulièrement dans les mouvements latéraux. Pour le COPnet, des différences significatives apparaissent en AP (F(1,67) = 9.67, p = .003) et ML (F(1,66) = 17.62, p < .001), avec un effet de la vision en ML (F = 5.75, p = .019). Le COPc présente des altérations en AP (F(1,67) = 7.91, p = .006) et ML (F(1,66) = 5.15, p = .027) sans interaction visuelle, suggérant une perturbation des mécanismes posturaux de base. Pour le COPv, les différences n'émergent qu'en ML (F(1,66) = 14.11, p < .001) avec un effet visuel (F = 5.93, p = .018), tandis que les ajustements AP restent préservés (p = .242).
Discussion
La décomposition du COP a mis en lumière des perturbations posturales spécifiques et persistantes chez les athlètes commotionnés. Ces résultats révèlent des déficits tant dans la programmation tonique (COPc) que dans les ajustements dynamiques (COPv), avec une vulnérabilité marquée dans le plan médio-latéral. L'absence d'interaction avec la vision pour certaines composantes suggère des stratégies compensatoires inadaptées. Ces découvertes soulignent l'importance d'analyses plus fines que les mesures globales pour détecter ces troubles subtils.
Ces observations ouvrent la voie à une exploration via l'analyse rambling-trembling (Zatsiorsky & Duarte, 2000), qui permettrait de distinguer les composantes volontaires et réflexes dans cette régulation posturale perturbée, éclairant les mécanismes neurologiques sous-jacents aux déficits observés.
Conclusion
Cette analyse des composantes du COP révèle des signatures posturales spécifiques chez les athlètes commotionnés, avec une fragilité particulière dans la régulation latérale. Cette approche mécanistique identifie des marqueurs sensibles échappant aux évaluations cliniques standard. Ces résultats nous encouragent à poursuivre avec l'approche rambling/trembling pour affiner notre compréhension des déficiences persistantes. À terme, ces connaissances pourraient transformer la réhabilitation et le retour au jeu, permettant des protocoles personnalisés ciblant les déficits spécifiques de chaque athlète.
Références
Dos Santos, D. A., Fukuchi, C. A., Fukuchi, R. K., & Duarte, M. (2017). A data set with kinematic and ground reaction forces of human balance. PeerJ, 5, e3626. https://doi.org/10.7717/peerj.3626
Guskiewicz, K. M., & Mihalik, J. P. (2011). Biomechanics of sport concussion: Quest for the elusive injury threshold. Exercise and Sport Sciences Reviews, 39(1), 4–11. https://doi.org/10.1097/JES.0b013e318201f53e
Winter, D. A., Prince, F., Stergiou, P., & Powell, C. (1993). Partitioning of medio-lateral and anterior-posterior motor responses associated with center of pressure changes in quiet standing. Neuroscience Research Communications, 12, 141–148.
Zatsiorsky, V. M., & Duarte, M. (2000). Rambling and trembling in quiet standing. Motor Control, 4(2), 185–200. https://doi.org/10.1123/mcj.4.2.185
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