L'imagerie motrice (IM) est sous-tendue par l'activation de circuits neuronaux similaires à ceux impliqués dans l'exécution de mouvements — incluant notamment les cortex moteur primaire et pariétal postérieur (Hétu et al., 2013). Cette activation permet la mise en œuvre de mécanismes de plasticité cérébrale susceptibles de renforcer les représentations internes du mouvement et de faciliter son exécution ultérieure (Jeannerod, 2001 ; Guillot & Collet, 2008).
L'IM constitue un outil reconnu de préparation mentale. De nombreuses études ont démontré son efficacité pour favoriser l'apprentissage moteur, la précision gestuelle, la planification stratégique ou encore la confiance en soi (Di Rienzo et al., 2016). Toutefois, ses bénéfices varient selon la modalité d'IM mobilisée : l'imagerie kinesthésique (kIM), qui repose sur les sensations internes liées au mouvement, permettra de solliciter les aires sensori-motrices et sera ainsi pertinente dans un contexte d'optimisation du geste ; l'imagerie visuelle (vIM), en première ou troisième personne, sollicitera quant à elle préférentiellement les régions occipito-pariétales, et sera plus adaptée aux objectifs de stratégie ou de préparation psychologique (Guillot et al., 2024). Le choix de la modalité doit donc être aligné avec l'objectif poursuivi, ce qui implique de pouvoir guider précisément l'athlète.
Or, l'un des verrous majeurs de l'entraînement par IM est l'impossibilité d'objectiver la stratégie réellement mobilisée par l'athlète lors de la pratique. Les outils d'évaluation subjectifs (questionnaires auto-rapportés) ne permettent pas d'accéder à la dynamique neuronale sous-jacente à l'IM. Un guidage optimal supposerait de pouvoir mesurer l'activité cérébrale pendant l'IM, afin d'identifier les aires, voire les réseaux activés, et d'en déduire la stratégie employée. Cette perspective nécessite des outils précis, accessibles et utilisables en contexte écologique.
Le neurofeedback répond à ces exigences. L'entraînement par neurofeedback consiste en effet à mesurer l'activité cérébrale, p.ex. grâce à l'électroencéphalographie (EEG – dont l'accessibilité sur les plans financier et technologique permet d'en envisager l'usage dans un contexte sportif), et à la traiter en temps-réel afin d'en extraire des motifs identifiés comme fonctionnellement pertinents pour un objectif donné (p.ex., une désynchronisation des rythmes sensorimoteurs pour la kIM). Ces motifs sont alors restitués à l'athlète et à son coach sous forme de retours sensoriels permettant i. d'objectiver et quantifier l'activation des circuits neuronaux d'intérêt, ii. de guider l'athlète vers des stratégies cognitives lui permettant de maximiser la sollicitation de ces circuits d'intérêt, iii. de motiver l'athlète et ainsi potentialiser les effets de l'entraînement mental. Plusieurs métanalyses ont rendu compte de l'efficacité de l'entraînement par neurofeedback pour améliorer la performance motrice ainsi que les capacités de modulation des activités cérébrale d'intérêt (reflétant les mécanismes de plasticité mis en jeu) (Xiang et al., 2018). La spécificité de ces effets fait cependant toujours débat (Thibault et al., 2016) : résultent-ils de la modulation volontaire d'activités cérébrales d'intérêt ou du simple fait de prendre part à un entraînement cognitif impliquant des processus attentionnels ?
Appliquer le neurofeedback à l'IM requiert ainsi une réflexion théorique sur l'origine de ses bénéfices, et sur les leviers permettant de maximiser à la fois ses effets spécifiques et non spécifiques. Au-delà de l'optimisation de la performance, cela offre aussi un cadre expérimental puissant pour tester des hypothèses causales sur les liens entre activité cérébrale, stratégie cognitive et performance motrice.
Références
Di Rienzo, F. et al. (2016). Online and offline performance gains following motor imagery practice: a comprehensive review of behavioral and neuroimaging studies. Frontiers in human neuroscience, 10, 315. https://doi.org/10.3389/fnhum.2016.00315
Guillot, A., et al. (2024). From simulation to motor execution: a review of the impact of dynamic motor imagery on performance. International Review of Sport and Exercise Psychology, 17(1), 420-439. https://doi.org/10.1080/1750984X.2021.2007539
Guillot, A., & Collet, C. (2008). Construction of the motor imagery integrative model in sport: A review and theoretical investigation. International Review of Sport and Exercise Psychology, 1(1),31–44. https://doi.org/10.1080/17509840701823139
Hétu, S., et al. (2013). The neural network of motor imagery: An ALE meta-analysis. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 37(5),930–949. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2013.03.017
Jeannerod, M. (2001). Neural simulation of action: A unifying mechanism for motor cognition. NeuroImage, 14(1 Pt 2), S103–S109. https://doi.org/10.1006/nimg.2001.0832
Thibault, R. T., et al. (2016). The self-regulating brain and neurofeedback: Experimental science and clinical promise. Cortex, 74,247-261. https://doi.org/10.1016/j.cortex.2015.10.024
Xiang, M. Q., et al. (2018). The effect of neurofeedback training for sport performance in athletes: A meta-analysis. Psychology of Sport and Exercise, 36,114-122. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2018.02.004
PDF version